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Ahmed Stambouli, ce grand peintre méconnu

C’était un jour, un été, une année où un de nos grands artistes nous quittait : après Mahjoub Ben Bella, Abdellah Benanteur, voilà Ahmed Stambouli qui nous fait une mauvaise surprise : le 17 juillet 2020. Portrait.


Œuvre d'Ahmed Stambouli. D.R.

Certains artistes ont su parler de la modernité au-delà des appartenances, tout en prenant appui sur les cultures populaires, ils ont fait une traduction transposée de la réalité profonde et Ahmed Stambouli appartient à cette catégorie.

L’artiste est né en 1957 à Khemis Miliana. Il a poursuivi sa formation artistique à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris.

Il a exercé en tant que professeur de dessin, puis de peinture à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Mostaganem de 1987 à 1998.

Les écoles de Mostaganem et d’Oran nous ont offert de grandes œuvres , une pépinière de talents dont aujourd’hui Yasser Ameur et hier Stambouli mais aussi Benanteur ,Ben Bella et Hachemi Ameur qui en était le directeur et qui aujourd’hui coordonne toute l’Oranie. Stambouli, Benanteur et Ben Bella rejoindront l’école de Paris.

Stambouli a participé à de nombreuses expositions en Algérie, en France, à Dubaï, en Tunisie, au Maroc, à Londres, en Italie…

Animaux rupestres, couleurs vives , signes, visages d’enfants en larmes parfois éborgnés nous sommes loin de la candeur que certains lui prêtent .

Entre Basquiat et Garouste, l’univers de l’artiste est fantastique, quotidien et urbain à la fois; les jardins d’enfants sont là, les marelles aux signes en témoignent mais l’ensemble est inscrit dans un ailleurs souvent hostile voire tragique où le trait s’épaissit et met en garde.

Des formes humaines dévastées, parfois serties de noir, des bestiaires effrayants où l’étoile et le croissant coiffent en corne un minotaure. Clin d’œil à Picasso ? On pense aussi à la nouvelle génération avec Adlane Samet. Ses dernières œuvres se font plus douces avec ses aquarelles et ses transparences mais les personnages sont baroques, durs comme un défilé de Don Quichotte.

L’art de Stambouli est au delà de l’anecdotique, il est original, fort et il est dommage qu’on n’en parle pas plus dans l’Histoire de l’art algérien, maghrébin, méditerranéen, bref universel. Pourquoi n’a-t-il pas ébloui les galeries d’art contemporain en Europe, aux Etats Unis, en Asie ?

L’Algérie aurait eu tant à gagner à faire connaître ses artistes, ils sont son « soft power ». Leurs œuvres sont loin des peccadilles qu’on sert aux Occidentaux dans les pays ravagés par le tourisme de masse.

Ahmed Stambouli. Photo D.R.

Pour mémoire, on se rappellera qu’en 1964, juste à la fin de la guerre d’Algérie, un comité « Art et Culture» s’était formé autour de Jean Jaques Lebel, Pierre Gaudibert ainsi que le peintre marocain Cherkaoui pour organiser cette exposition en hommage à l’Indépendance algérienne dans le Palais des Beaux Arts de la ville de Paris.

Des œuvres autant algériennes que françaises et marocaines avaient été rassemblées pour in fine faire l’objet d’une donation au peuple algérien avec l’espoir qu’il soit le catalyseur d’une collection d’art moderne, tout comme aujourd’hui à Paris avec le projet d’un musée pour la Palestine .

Où est cette ambition ? Où sont les moyens pour les écoles d’art capables de porter cet enjeu magnifique ?

Des décennies plus tard, on se souvient de l’intervention d’Ahmed Stambouli au forum “Pensée et art”, initié par la maison de la Culture de Tamanrasset, où il était revenu sur la situation des arts plastiques en Algérie, l’absence de marché d’art et les problèmes que rencontrent les artistes pour faire connaitre leur travail et vivre de leur métier.

Dans un contexte de crise, l’art peut être un outil d’émancipation et de critique sociale qui aide à comprendre, voire à anticiper les changements sociétaux. Il peut aussi être le soft power des pays à l’étranger et l’Arabie Saoudite a bien compris l’enjeu, tout comme le Maroc des années 70 .

La peinture comme la photographie permet de mieux nous voir, de garder sous les paupières cet éclat, ce battement d’un monde qui s’en va cahin-caha.

Une nouvelle construction visuelle, une esthétique moderne se réinventent loin des institutions, sans le soutien de l’Etat et c’est triste et inapproprié .

Les musées sont plein d’œuvres en mauvais état sous la poussière. Certains grands artistes dont Baya accrochée dans une bibliothèque, face aux fenêtres dont la lumière détériorent les œuvres. Cantonnée dans la bibliothèque du Musée, Baya n’est jamais évoquée dans le cursus de l’école des Beaux Arts d’Alger.

L’acculturation est un dommage et un danger pour les générations à venir, la colonisation nous l’a appris à nos dépens !

Heureusement, les écrivains, les photographes et la nouvelle génération de plasticiens sont là, pleins de créativité mais seuls et sans soutien. Heureusement certains photographes créent des collectifs pour s’entraider.

Cependant nous relayons leur beauté avec nos petits moyens mais notre grande admiration, notre amour, notre reconnaissance est comme un matin qui éternue au soleil son espoir.