La Révolution algérienne du 1er novembre 1954 a-t-elle porté en germe un projet islamiste ou laïque ? La question resurgit régulièrement dans le débat national. Les islamistes s’appuient sur une formule célèbre de l’Appel fondateur, évoquant un État « souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». Mais pour Nour-Eddine Boukrouh, cette interprétation relève d’un contresens historique.
Intervenant sur sa page Facebook, l’ancien ministre et fondateur du Parti du renouveau algérien (PRA) rappelle que l’Appel du 1er novembre a été rédigé par Mohamed El-Aïchaoui, sous la dictée de Boudiaf et Didouche. Cependant, la fameuse phrase n’est pas née ce jour-là. On la retrouvait déjà dans les résolutions de l’UDMA de Ferhat Abbas en 1951. Elles parlaient d’une « République algérienne démocratique et sociale ». Elle fut reprise au sein du MTLD lors du congrès de 1953. Cela survint après le rejet des hypothèses d’un État monarchique ou islamique.
Selon Boukrouh, cette terminologie est directement issue de la culture politique française. La IIIe et la IVe République se définissaient comme « indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Les nationalistes algériens, formés à cette école, ont repris la formule en remplaçant simplement « laïque » par « principes islamiques ». Ce choix visait moins à préparer une théocratie qu’à adapter un vocabulaire moderne à la sensibilité musulmane du peuple algérien. Même les dénominations des institutions révolutionnaires – FLN, GPRA, CNRA – rappelaient leurs équivalents français issus de la Résistance.
La Soummam, continuité et non rupture
L’Appel du 1er novembre ne se limitait pas à l’évocation des « principes islamiques ». Il proclamait aussi le respect « de toutes les libertés fondamentales, sans distinction de races et de confessions ». Pour Boukrouh, cet élément est décisif. S’il y avait eu la moindre intention islamiste, une telle clause n’aurait jamais été intégrée. Elle ouvrait en effet la citoyenneté de l’Algérie indépendante à tous, y compris aux Européens et aux juifs qui choisiraient d’y rester.
Les islamistes accusent encore la Plateforme de la Soummam (1956) d’avoir trahi l’esprit du 1er novembre en parlant d’une République démocratique et sociale sans mention religieuse. Boukrouh y voit au contraire une clarification. L’expression « dans le cadre des principes islamiques » ne renvoyait ni à la Chariâ ni aux cinq piliers de l’islam. Elle se référait à des valeurs universelles de tolérance et de justice présentes dans la culture musulmane. Si les fondateurs de la Révolution avaient voulu bâtir une République islamique, ils l’auraient formulé sans détour.
« L’Algérie du 1er novembre ne visait pas à instaurer un Émirat ni une République islamique, mais un État moderne, démocratique et social », insiste Boukrouh. L’islam y constituait une référence identitaire et culturelle, non un programme politique exclusif. L’héritage français, conjugué à la volonté de construire une nation ouverte et pluraliste, dessinait une Algérie républicaine. Elle était fidèle à ses racines mais tournée vers l’universel.
En conclusion, Boukrouh conclut : la Révolution du 1er novembre était républicaine et pluraliste, et non islamiste. L’expression « principes islamiques » fut un compromis culturel, non un projet de théocratie.