En 2024, l’économie algérienne a affiché un visage contrasté. La croissance a résisté, l’inflation a nettement reculé, et les réserves de change se sont maintenues à un niveau jugé confortable. Mais derrière ces résultats encourageants, les finances publiques ont été durement affectées par la chute des recettes pétrolières, révélant une dépendance toujours marquée à l’or noir.
Selon le rapport annuel de la Banque d’Algérie, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 3,6 % en 2024, après 4,1 % en 2023. Ce ralentissement est imputable au secteur des hydrocarbures, en recul de 1,4 %. En revanche, le PIB hors hydrocarbures a continué sur sa lancée avec une hausse de 4,8 %, contre 4,2 % un an plus tôt. Agriculture, services, construction et énergie hors pétrole ont tous contribué à cette dynamique, confirmant l’existence d’un socle productif plus diversifié qu’autrefois.
Cette croissance est toutefois portée avant tout par la demande intérieure : consommation et investissement restent les moteurs principaux, au prix d’une hausse persistante des importations (+12 % en volume).
Après avoir inquiété ménages et entreprises, la flambée des prix a marqué un net recul. L’inflation nationale est tombée à 4,4 % fin 2024, contre 7,18 % un an plus tôt. Dans la région du Grand Alger, la baisse est encore plus spectaculaire : de 7,8 % en 2023 à seulement 2,9 % en décembre 2024. Les prix alimentaires, et notamment ceux des produits agricoles frais, ont fortement décéléré. Seuls quelques postes comme l’ameublement ou certains services divers ont poursuivi leur progression. Pour la Banque centrale, cette désinflation traduit l’efficacité des outils monétaires et la normalisation des conditions d’offre.
Les finances publiques dans le rouge
C’est le point noir du rapport. Les finances de l’État se sont profondément dégradées. Le déficit budgétaire a atteint près de 13,8 % du PIB, soit plus du triple de l’année précédente. En cause : l’effondrement des recettes pétrolières (-31 %) et, dans une moindre mesure, des recettes hors hydrocarbures (-13,5 %). Dans le même temps, les dépenses publiques ont continué de croître (+9 %). Pour combler ce trou, le Trésor a puisé dans ses comptes à la Banque d’Algérie, réduisant ses avoirs de près de 3 000 milliards de dinars fin 2023 à seulement 242 milliards fin 2024. Une situation qui alerte sur la soutenabilité budgétaire à moyen terme.
Avec la baisse des cours mondiaux du pétrole et du gaz, les exportations de biens ont reculé de 11,7 %, à 49,1 milliards de dollars. Dans le même temps, les importations ont progressé de près de 6 %, notamment pour les biens d’équipement et les produits semi-finis. Résultat : la balance des paiements, largement excédentaire en 2022 et 2023, s’est quasiment équilibrée en 2024 (-0,5 milliard de dollars).
Les réserves de change demeurent néanmoins confortables, à 68,3 milliards de dollars, soit l’équivalent de plus de 15 mois d’importations. La dette extérieure reste marginale (1 % du PIB), un atout dans le contexte actuel.
Banques et paiements : une modernisation en marche
Le secteur bancaire reste liquide et rentable, avec des dépôts en hausse de 9 % et des crédits à l’économie en progression de 5,3 %. Les banques publiques dominent encore largement (plus de 80 % des crédits), mais les établissements privés progressent plus vite. La finance islamique, en plein essor, enregistre une croissance de plus de 16 % des financements. Enfin, les moyens de paiement électroniques commencent à s’imposer : les paiements par carte via TPE ont bondi de 40 %.
Le rapport conclut à une économie « robuste mais exposée ». La croissance hors hydrocarbures, la maîtrise de l’inflation et la solidité externe sont des points positifs. Mais la vulnérabilité budgétaire et la dépendance persistante aux recettes pétrolières restent des défis majeurs. Pour éviter de nouveaux déséquilibres, la Banque d’Algérie insiste sur l’urgence de diversifier les recettes fiscales et de contenir la dépense publique.
En résumé, l’année 2024 aura montré que l’Algérie dispose d’atouts solides, mais qu’ils doivent désormais être consolidés par des réformes structurelles. La question reste ouverte : la désinflation et la bonne santé du secteur bancaire suffiront-elles à compenser l’ombre persistante des finances publiques ?