Souvent placés au cœur du débat politique français, les Algériens occupent une place historique et symbolique dans la migration vers la France. Mais les chiffres du dernier rapport EMN France 2023 (publié en juillet 2024) montrent une réalité plus nuancée : leur importance demeure constante mais reste loin d’être prédominante dans les flux migratoires récents.
En 2022, la France a délivré 323 000 premiers titres de séjour à des ressortissants de pays tiers. Parmi eux, 29 246 ont été attribués à des Algériens, soit 9,0 % du total. Ils se situent derrière les Marocains (12,1 %, 39 073 titres) et devant les Tunisiens (6,7 %, 21 739 titres). Autrement dit, neuf titres sur dix concernent d’autres nationalités.
Les motifs familiaux demeurent majoritaires dans le cas algérien (environ 59 % des premiers titres), traduisant une migration d’ancrage, alors que les entrées pour études ou travail qualifié progressent plus lentement. Le nombre d’étudiants algériens inscrits dans l’enseignement supérieur français s’élevait à 29 919 en 2023, soit 9,3 % de l’ensemble des étudiants étrangers.
Sur le volet de l’asile, les Algériens ne figurent pas parmi les premières nationalités demandeuses. En 2023, sur 166 880 demandes d’asile enregistrées en France, 16 860 provenaient d’Afghanistan (11,6 % du total), devant la Guinée (7,3 %, 10 545 demandes) et la Turquie (6,8 %, 9 795 demandes). Le taux global de protection pour les ressortissants algériens demeure bas, la majorité des requêtes étant requalifiées en migration économique.
OQTF, retours et visas : la face coercitive de la relation
C’est sur le terrain du retour et de l’éloignement que la perception publique diverge le plus de la réalité statistique. Les Algériens représentent 18,2 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées en 2023 — soit 25 120 décisions sur 137 730 au total. Mais ils concentrent 20,1 % des retours effectifs, environ 2 135 personnes sur 10 625, ce qui correspond à un taux de mise en œuvre supérieur à la moyenne nationale (15,4 %).
Autrement dit, la coopération consulaire entre Alger et Paris fonctionne mieux que celle avec d’autres pays, malgré des tensions diplomatiques récurrentes. Après les blocages de 2021–2022, les laissez-passer consulaires sont à nouveau délivrés de manière régulière, permettant une exécution plus fluide des décisions de retour — jusqu’à la résurgence de crispations politiques au second semestre 2024.
Le rapport souligne également que le nombre de visas délivrés aux Algériens en 2023 s’élève à 185 832, soit 8,6 % du total des 2 176 314 visas délivrés cette année-là, loin derrière les Chinois et les Marocains (11,6 % chacun).
Sur le plan de l’intégration, les Algériens continuent de s’installer durablement. En 2022, ils représentaient 13,0 % des 102 663 naturalisations prononcées, soit 13 368 nouveaux citoyens français — le deuxième groupe après les Marocains (15,7 %). Ce chiffre traduit une insertion ancienne et stabilisée, fondée sur des liens familiaux, sociaux et professionnels solides.
Une surexposition dans le contrôle administratif
Mais le rapport révèle surtout que 31 885 Algériens ont été identifiés en situation irrégulière, soit 26,8 % des 118 975 personnes contrôlées. Autrement dit, plus d’un quart des « présences illégales » enregistrées en France concernent des Algériens, alors qu’ils ne représentent qu’un dixième des entrées régulières.
Cette surreprésentation traduit une intensité particulière des contrôles sur cette nationalité, qui s’apparente à une forme de ciblage administratif. Le rapport n’en tire pas de conclusion politique, mais la disproportion est manifeste : les ressortissants algériens apparaissent très visibles dans les procédures coercitives (contrôles, OQTF, rétention), tout en restant modérément représentés dans les canaux légaux de migration.
Ainsi, le « cas algérien » n’est pas un problème d’ampleur mais de perception. Les données d’Eurostat et du ministère de français l’Intérieur décrivent une migration maîtrisée, encadrée par des dispositifs bilatéraux anciens et une coopération consulaire effective.
La part algérienne dans les flux migratoires vers la France reste inférieure à un dixième des entrées légales et des demandes d’asile, mais supérieure à la moyenne pour les retours effectifs. Un profil donc moins dominant que symbolique, au cœur d’une relation bilatérale marquée par la mémoire et les tensions, mais ancrée dans des réalités administratives mesurables et révélatrices.