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Biyouna, le visage que l’Algérie n’oubliera pas


On pourrait parler d’elle comme d’une actrice, d’une chanteuse, d’une show-woman. Mais rien n’a jamais réussi à contenir Baya Bouzar, plus connue sous le nom de Biyouna. Elle était plus grande que ses rôles, plus indomptable que les codes du petit écran algérien. Jusqu’à ses dernières années, elle a traversé le cinéma et la  télévision comme un météore, laissant derrière elle une traînée de culot, d’énergie, et d’humanité.

Son visage faisait tout le travail. Un haussement de sourcil valait plusieurs lignes de dialogue. Sa voix, rauque, portait l’accent algérois pur sucre. Dans une industrie où les figures féminines étaient souvent polies pour correspondre à une “respectabilité” imposée, Biyouna n’hésitait pas à se montrer telle qu’elle était.

Tout a commencé par El Hariq, tiré de Mohamed Dib, où elle tient le rôle de Fatima où elle a planté déjà ce qu’elle deviendrait. Et puis il y a eu les séries du ramadhan. Une histoire à part entière. Son rire se mêle aux soirées après la rupture du jeûne, ses tirades deviennent des répliques cultes. On les répétait dans les quartiers, dans les couloirs des cités, dans les marchés, dans les taxis. lI suffisait qu’elle apparaisse pour qu’une scène prenne de la gueule.

Rappelons nous de son passage dans Nass Mlah City de Djaffar Gacem, sitcom culte des années 2000. Dans des scènes du quotidien algérien, elle impose un personnage bigger than life, mélange de sarcasme, d’algérois et d’une tendresse qu’elle dissimule sous l’insolence. Elle y devient un visage incontournable du ramadhan. Entre deux gags, elle glissait un regard, une phrase, et rappelait qu’elle savait être une vraie comédienne. Avec Dar El Bahdja, elle confirme son statut de “doyenne” du ramadhan. En Khalti Djouhar, elle incarne une figure familière de la ville : la femme qui sait tout, voit tout, juge tout, mais avec une chaleur sous-jacente, une humanité qui n’a jamais quitté ses personnages.

Au fil des ramadhans, elle multiplie les caméos, les sketchs, les sitcoms : Akhou El Banat, Maicha fel Good, Skarkech. Et à chaque fois, la même sensation : elle suffit à donner de l’allure à une scène. Elle joue comme on respire.

Elle représentait une Algérie populaire, libre, tendre. Biyouna parlait comme les gens parlent. Elle a fait du petit écran un territoire vivant, où les Algériens se reconnaissaient. Et peut-être que c’est ça, sa grandeur : avoir donné à l’Algérie populaire un visage qui n’avait pas peur de se montrer tel qu’il est.

Au cinéma, elle a incarné des personnages hauts en couleur, incarnant, entre autres, Madame Aldjeria dans Délice Paloma de Nadir Moknèche, une sorte de matriarche par qui le scandale arrive. Certains ont crié au scandale, l’ont accusée de salir l’image du pays. Mais elle n’en fit pas grand cas. Elle vivait comme elle l’entendait. “On m’a accusé de faire des films pornos, j’ai dit, oui : je fais des films, pour nous, pour vous, pour tout le monde!”, répondait elle. Biyouna était devenue son propre personnage. Elle ne cherchait pas à plaire, elle cherchait à être elle-même.