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Cinéma : un nouveau cadre d’aide publique sous contrôle étroit


Le Premier ministre Sifi Ghrieb a signé une série de décrets exécutifs réorganisant le soutien public à l’industrie cinématographique, publiés au Journal officiel du jeudi 18 décembre. Le dispositif repose sur la création d’un fonds national dédié, assorti de règles précises d’attribution, de suivi et de sanction. Destinée à relancer un secteur en difficulté, la nouvelle architecture juridique renforce le rôle de l’État dans l’orientation et la régulation de la création cinématographique.

Ce fonds, baptisé « Fonds national pour le développement de la technique et de l’industrie cinématographiques », n’est pas une innovation totale. Depuis les années 1960, l’État algérien a régulièrement mis en place des mécanismes de financement du cinéma, sous différentes appellations, souvent marqués par une application irrégulière ou un manque de visibilité. La nouveauté tient ici à la pérennité du fonds, inscrit dans la loi de finances, et à l’ampleur du champ couvert.

Le texte englobe l’ensemble de la chaîne de valeur du cinéma, de l’écriture à la formation, en passant par la production, la coproduction, la post-production, la distribution, l’exploitation, les équipements et les infrastructures. Les ressources proviennent notamment de taxes sur les billets de cinéma, de redevances, de dotations budgétaires et d’une part de la fiscalité publicitaire, traduisant la volonté de structurer le cinéma comme un secteur économique à part entière.

Structurer le secteur sans desserrer le contrôle

Mais cette générosité apparente est contrebalancée par une architecture administrative dense. L’aide est conditionnée à des dossiers lourds, à un apport financier significatif du porteur de projet — pouvant atteindre 30 % du budget pour la production — à une situation fiscale irréprochable et à une capacité de réalisation évaluée par une commission nommée par le ministère de la Culture. L’État n’y apparaît pas comme un financeur passif, mais comme un acteur omniprésent, qui évalue, autorise, encadre, contrôle et sanctionne si nécessaire.

Cette logique n’est pas neutre. En renforçant les exigences de conformité et de traçabilité, le système favorise les structures les plus organisées, souvent proches de l’administration, au détriment des producteurs indépendants ou émergents. La création devient indissociable de la capacité à naviguer dans un univers réglementaire complexe, où l’audace artistique peut se heurter à la prudence institutionnelle.

Politiquement, le message est sans ambiguïté puisque l’État entend soutenir le cinéma, tout en en fixant strictement les règles. Comme souvent en Algérie, l’enjeu ne réside pas tant dans l’existence de l’aide publique que dans l’équilibre qu’elle instaure. Entre soutien structurant et encadrement étroit, le nouveau dispositif risque de consacrer un modèle où la création avance sous supervision permanente.