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Algérie-France : quels prolongements pour cette nouvelle crise ?


Les relations algéro-françaises s’assombrissent de nouveau. En cause, cette fois-ci, non pas la question de la mémoire qui continue de nourrir des positions passionnées d’un côté comme de l’autre, mais l’alignement ouvertement exprimé et assumé de la France sur le plan marocain pour le Sahara occidental. Un nuage d’été, comme il y en a eu par le passé, ou éclatement d’une crise politico-diplomatique durable ?

Le soutien franc de la France au plan marocain d’autonomie du Sahara occidental, souligné d’un trait épais par le président Emmanuel Macron au roi Mohamed VI, à l’occasion de l’anniversaire de l’accession de ce dernier au trône, a irrité Alger au plus haut point. Outre désapprouver profondément la décision française, exprimée le jeudi 25 juillet, Alger a joint, ce mardi 30 juillet, un acte à la parole : le retrait de son ambassadeur à Paris avec effet immédiat. Un retrait et non un rappel qui, dans le langage diplomatique, est souvent fait pour consultation.

La lettre de Macron à Mohamed VI, dont le contenu intégral a été divulgué ce mardi, a de quoi soulever l’ire d’Alger. Emmanuel Macron, l’Etat français donc, considère que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Mieux ou pis encore, le président Français a affirmé « l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour votre Royaume, la France entend agir en conséquence avec cette position à titre national et au niveau international ».

Jamais la France n’a été aussi loin et assez directe dans son soutien au Maroc dans le dossier du Sahara occidental. Emmanuel Macron va jusqu’à ériger la position de la France sur ce dossier en principe intangible, c’est-à-dire auquel on ne doit pas toucher. Une radicalité à laquelle ne s’étaient jamais rendus ses prédécesseurs au pouvoir, même si tous avaient un penchant plus au moins appuyé pour les thèses marocaines.

Quelles conséquences à cette nouvelle embrouille ?

L’appui de la France au plan marocain pour le Sahara occidental va mettre davantage de tension dans les relations algéro-française. C’est même déjà le cas avec le retrait de l’ambassadeur d’Algérie à Paris des ce mardi 30 juillet. Un retrait qui risque d’être durable, puisque, déclarée intangible, la position de la France sur le dossier du Sahara occidental ne risque pas d’évoluer de sitôt.

À l’automne 2021, suite à des propos d’Emmanuel Macron pour le moins inamicaux envers l’Algérie, Alger avait rappelé son ambassadeur à Paris, Mohamed Antar Daoud, pour consultation. C’était en date du 02 octobre 2021. L’ambassadeur n’avait rejoint son poste que trois mois plus tard, soit le 06 janvier 2022. Le président Marcon, pour rappel, avait soutenu que le « système politico-militaire » s’est construit et vivait d’une « rente mémorielle ». Des propos qui ont été dénoncés par Alger comme une ingérence dans les affaires  intérieures du pays.

La tempête fût passagère, comme celles, nombreuses, qui l’avaient précédée. Alger et Paris ont repris de se parler et d’évoquer l’avenir de leurs relations avec optimisme. Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ne rataient pas une occasion de faire part de leur amitié solide. Une amitié qui, cependant, n’a pas toujours aidé à renforcer l’entente politique entre les deux États algérien et français. Des vents contraires, agissant en lames de fonds, ont perturbé l’agenda de la visite d’Etat que le président Tebboune devait effectuer en France.

La visite en question, dans le principe a été acté, a été reportée à deux reprises, avant d’être programmée et annoncée officiellement pour fin septembre ou début octobre 2024. Les deux présidents algérien et français ont convenu de cette période lors d’un échange téléphonique. Mais, avec la nouvelle crise qui a éclaté entre les deux capitales, Alger et Paris, la visite en question risque d’être de nouveau compromise.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui pensait effectuer une visite d’Etat en France, après l’élection présidentielle anticipée dans laquelle il concoure et dont il sortirait certainement vainqueur, devra, peut-être, retravailler son agenda. On le voit mal se rendre en France dans ce contexte de crise diplomatique aigue entre l’Algérie et la France.

S’il est quasi certain que le froid diplomatique entre Alger et Paris est parti pour durer, il est cependant difficile d’anticiper l’impact éventuel sur la coopération économique et commerciale entre les deux pays. En 2023, les échanges commerciaux entre les deux pays avaient atteint les 11,8 milliards d’euros. Les exportations françaises vers l’Algérie ont été de l’ordre de 4,49 milliards d’euros. La France se place également comme 3ème investisseur en Algérie.

Lorsque, en 2022, le gouvernement espagnol avait apporté son soutien au Maroc dans le dossier du Sahara occidental, Alger, on s’en souvient, avait non seulement rappelé son ambassadeur pour consultation mais a également décidé illico de suspendre le traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération durable avec l’Espagne en même temps que les échanges commerciaux entre les deux pays. En sera-t-il de même avec la France qui vient d’appuyer le plan marocain pour le Sahara occidental ?