C’est un chiffre qui interpelle : 84 000 bus vétustes circulent encore chaque jour sur les routes algériennes. C’est le ministre des transports, Saïd Sayoud, qui l’a révélé à la suite de l’accident tragique survenu vendredi soir à Alger, lorsqu’un bus de voyageurs a chuté d’un pont dans l’oued El Harrach, à Mohammadia, faisant 18 morts et 24 blessés.
Ce parc de bus vieillissants, mal entretenus, parfois rafistolés avec des pièces de fortune, qui constitue pourtant l’ossature du transport collectif dans le pays, est symptomatique d’une double faillite : celle du contrôle technique et celle des politiques de renouvellement des véhicules, restées lettre morte malgré des années de promesses.
« Ces véhicules doivent être remplacés », a reconnu le ministre, annonçant une vaste opération de modernisation censée répondre à l’urgence. Mais derrière l’effet d’annonce, la question est de savoir pourquoi ces « bus cercueils » ont-ils été tolérés aussi longtemps sur les routes, exposant quotidiennement les citoyens à la mort ?
Le ministre a par ailleurs pointé la responsabilité humaine, affirmant que « 90 % des accidents de la circulation sont causés par l’imprudence des conducteurs ». S’il est indéniable que la vitesse excessive, les dépassements dangereux ou l’épuisement des chauffeurs jouent un rôle, cette explication ne saurait suffire. La mécanique défaillante, le manque de pièces de rechange, l’absence d’entretien régulier et la dégradation des routes et ponts sont autant de facteurs aggravants.
L’on souligne aussi les failles du contrôle technique, souvent perçu comme une formalité plutôt que comme une véritable évaluation de sécurité. À cela s’ajoute le poids d’un secteur du transport en partie informel, échappant aux régulations.
Des milliers d’accidents meurtriers
Il faut dire que chaque année, des milliers d’accidents meurtriers endeuillent les familles algériennes, révélant la fragilité d’un secteur laissé en souffrance. Depuis plusieurs années, les accidents impliquant des bus endeuillent régulièrement les familles algériennes.
Pour rappel, le 22 février 2025, sur la RN 1, près de Tamanrasset, un bus de voyageurs est entré en collision avec un véhicule utilitaire avant de s’embraser. Trente-quatre personnes ont péri, carbonisées, et onze autres ont été blessées, dont plusieurs grièvement.
Quelques jours plus tard, le 6 mars, c’est un bus scolaire qui percutait un camion dans la wilaya de Tiaret : deux élèves y ont trouvé la mort et 33 autres enfants ont été blessés.
À Constantine, le 27 juillet 2025, une collision frontale entre deux bus sur l’autoroute Est-Ouest a provoqué trois morts et 41 blessés, confirmant une fois encore la vulnérabilité du transport collectif.En juillet 2023, un accident sur la RN 6, près d’El Bayadh, avait coûté la vie à sept personnes et blessé 35 autres.
Face à l’émotion suscitée par cette tragédie, le président Abdelmadjid Tebboune a décrété un deuil national d’une journée à partir de vendredi soir, avec mise en berne du drapeau. Le chef de l’État a également décidé d’accorder une aide d’un million de dinars (100 millions de centimes) aux familles des victimes, a annoncé le ministre de l’intérieur, Brahim Merad.