Il y a des rencontres qui bouleversent une vie d’intellectuel. Pour Pierre Bourdieu, tout commence au milieu des années 1950, lorsqu’un jeune agrégé de philosophie, débarqué du Béarn et promis à une belle carrière académique en métropole, se retrouve envoyé en Algérie pour effectuer son service militaire. La guerre vient d’éclater. Ce séjour forcé aurait pu n’être qu’une parenthèse douloureuse, comme pour tant d’appelés pris dans un conflit qu’ils ne comprennent qu’à moitié. Pourtant, pour Bourdieu, cette expérience va devenir un choc fondateur. Démobilisé au bout de deux ans et profondément marqué par ce qu’il a vu, il décide de rester à Alger. Là, dans une société en plein bouleversement, en prise à la violence coloniale et à la transformation brutale du monde rural, il découvre ce que sera désormais son terrain, son combat, son regard : comprendre les mécanismes invisibles de la domination.