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« 2025: année blanche »: le cri d’alarme des cinéastes algériens


Dans une lettre adressée au Président, réalisateurs, techniciens, producteurs, acteurs et professionnels du cinéma lancent un cri d’alarme : le cinéma est à l’arrêt. Pas en difficulté : il est à l’arrêt. « L’année 2025 reste une année blanche pour la production cinématographique, aucun projet, même un court-métrage, n’ayant été soutenu », est-il noté dans la lettre.

Les auteurs de la lettre rappellent « l’intérêt » que le chef de l’État a publiquement exprimé pour le cinéma mais constatent que la situation du secteur ne fait que s’aggraver. « Près d’une année s’est écoulée depuis la tenue des Assises nationales du cinéma, et pourtant nous n’avons constaté, à ce jour, aucune mise en œuvre tangible — même partielle — des recommandations et propositions formulées par les professionnels du secteur », écrivent-ils. Et d’interroger : « Qui porte la responsabilité du blocage empêchant leur application ? »

Le document dénonce un cadre réglementaire jugé de plus en plus contraignant. Il évoque des décrets perçus comme bureaucratiques, éloignés de la réalité du terrain et de la pratique artistique. « Notre inquiétude grandit lorsque l’administration adopte des décrets et textes réglementaires qui ont pour effet concret d’alourdir la bureaucratie, de réduire les espaces d’expression artistique et d’écarter les professionnels des processus décisionnels », peut-on lire. Le décret portant création du Centre national du cinéma est cité comme exemple. Selon les signataires, il consacre une vision administrative plutôt que culturelle et ne reflète pas l’élan de relance affiché par les pouvoirs publics.

Pas de films, mais des décrets

« Au lieu de répondre aux besoins urgents du secteur, il consacre une vision strictement administrative, déconnectée des réalités du terrain. Il ne reflète pas votre volonté déclarée de relancer le secteur, ni votre appel adressé aux cinéastes afin de s’organiser dans un cadre institutionnel clair — alors même qu’il s’agit du seul organe censé structurer le secteur », décrivent-ils.

Le fait est, par ailleurs, que le Fonds de soutien au cinéma, dissous puis réactivé, n’est toujours pas opérationnel. L’enveloppe budgétaire allouée ces dernières années, selon les signataires, ne « couvre même pas le coût d’un film moyen aux standards internationaux ».

La lettre met en avant cinq mesures, considérées comme prioritaires, pour mettre fin à la crise. Ils réclament notamment la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales, la révision des textes entravant l’activité cinématographique, l’activation du Fonds de soutien et l’augmentation de son enveloppe, ainsi que la réorganisation du Centre algérien du cinéma avec nomination par décret présidentiel. Ils demandent à ce que les professionnels du cinéma soient associés aux décisions les concernant.

Il est à rappeler que le président Tebboune s’était, il y a quelques jours à Constantine, montré dépité par la situation du cinéma en Algérie, déclarant que les professionnels ne « s’aiment pas entre eux » et que l’organisation des Assises du cinéma constituait sa « dernière intervention » pour tenter de redresser le secteur. Plusieurs cinéastes et producteurs s’étaient dits surpris. Pour eux, la difficulté principale ne relève ni de querelles personnelles ni de mésententes interprofessionnelles, mais d’un manque de structuration, de moyens et de lisibilité politique.

Le fossé semble donc se situer ailleurs : dans l’absence d’instances fonctionnelles, de fonds opérationnels et de politiques de soutien clairement définies. C’est ce décalage que la lettre souligne, lorsque les signataires affirment que le blocage est avant tout institutionnel. La production ne se fait pas faute d’outils et de financements, non faute de collaboration entre professionnels.