Au bout d’un procès surréaliste où les faits incriminés devaient plutôt déboucher sur un non-lieu, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed, devant lequel s’est ouvert ce dimanche 24 juillet le procès de l’affaire Vapropharm, filiale du laboratoire pharmaceutique Merinal, a requis 7 ans de prison ferme contre Nabil Mellah, gérant de la société inculpée.
Les efforts pédagogiques déployés par Nabil Mellah pour expliquer la nature de son activité et le contexte dans lequel son entreprise avait contracté un marché avec la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), étaient vains face au juge qui, avant d’arriver aux faits, n’avait pas hésité à lui reprocher de ne pas fabriquer le médicament objet du contrat.
« Pourquoi ne faites-vous pas comme Saidal ! Cette entreprise est une fierté nationale ». Et Nabil Mellah de répondre : « Mon entreprise est le premier fabricant de médicaments en Algérie mais, également le premier exportateur algérien de médicaments, si on veut la considérer comme une fierté ».
Or, les appels d’offres internationaux sont lancés uniquement pour l’acquisition des médicaments qui ne sont pas fabriqués en Algérie.
Les faits ? Vapropharm soumissionne à un appel d’offres national et international lancé par la PCH, vient en deuxième position dans cette course et perd le marché. Le tarif du fournisseur de Vapropharm était de 15,5 euros la boite (l’équivalent de 2600 dinars au moment des faits) et c’est le prix avec lequel Vapropharm commercialise ce médicament à travers les pharmacies d’officines. Le laboratoire qui avait gagné ce marché s’était proposé de le fournir à 1400 dinars la boite.
Soucieuse de ne pas dépendre d’un seul fournisseur, la PCH, comme le prévoit son cahier des charges, saisit alors Vapropharm et lui demande si elle pouvait s’aligner sur les prix du laboratoire qui a obtenu le marché afin de prendre en charge une partie des approvisionnements.
Vapropharm transmet la requête à son fournisseur qui accepte de baisser ses prix. Et, pour ne pas attendre une nouvelle expédition de la part du fournisseur, Vapropharm approvisionne la PCH sur ses stocks constitués au tarif initial et se fait rembourser le différentiel. Un argent qui lui avait été transféré sur son compte en Algérie.
Cette transaction a été assimilée par l’instruction judiciaire à une vente à perte. Nabil Mellah a beau expliquer que son entreprise, qui n’avait rien perdu dans cette affaire, avait permis à la PCH de faire des économies, que même la perte au change a été assumée par le fournisseur. Désillusion totale.
Le juge, lui, pensait que cette baisse des prix était destinée à « casser les autres fournisseurs en vue de permettre aux laboratoires étrangers de monopoliser le marché ». Il avait même épilogué au sujet de la langue utilisée dans la correspondance de la PCH, le français. « Les avocats connaissent ma rigueur à ce sujet, il faut qu’elle soit traduite en arabe ».
Nabil Mellah et ses avocats qui ont souligné que cette transaction avait été conclue à la demande de la PCH, que cette dernière avait réalisé des économies et que Vapropharm n’était pas perdante, n’ont pas pu convaincre le représentant du ministère public qui a fini par requérir sept ans de prison ferme à l’encontre de Nabil Mellah.
Nabil Mellah est poursuivi pour « infraction au règlement de contrôle des changes » et « blanchiment d’argent » et risque ainsi d’être condamné. Il a fait l’objet d’une plainte du ministère de l’industrie pharmaceutique qui l’accuse d’avoir « importé et vendu à perte un médicament ».
Nabil Mellah est en détention provisoire à la prison d’El Harrach depuis le 6 mai 2021. Programmé la semaine dernière, son procès a été reporté à aujourd’hui 24 juillet. La décision du tribunal est attendue pour le dimanche 31 juillet.