Le groupe public Agrodiv a clôturé l’exercice 2022 sur un résultat en nette amélioration, avec un chiffre d’affaires de 52,8 milliards de dinars et un résultat net de 3,65 milliards, contre 2,56 milliards en 2021. Cela représente une progression de plus de 42 % du bénéfice net, portée par une relance de la production dans ses filiales céréalières et de conserveries.
La marge nette atteint 6,9 %, un niveau honorable pour un groupe agro-industriel évoluant dans un environnement encore marqué par les perturbations logistiques et la flambée des intrants. Derrière cette performance, Agrodiv demeure pourtant un géant fragile, lesté d’un endettement hors norme et d’une structure financière étroite.
Créé en 2015 dans le cadre de la restructuration du secteur public marchand, Agrodiv a d’abord constitué son noyau industriel autour des anciennes sociétés publiques GALENCO et GCAT, intégrées entre 2015 et 2018. Ces entités, héritées avant la chute de Bouteflika, ont permis de bâtir un pôle agroalimentaire national centré sur la transformation des céréales, des pâtes et des produits de conserve.
Après 2019, le groupe a connu une seconde phase d’expansion dans un contexte bien différent, marqué par l’opération « Mains propres » lancée après la chute du régime Bouteflika. Sous l’impulsion des autorités publiques, Agrodiv s’est vu confier plusieurs actifs confisqués à des hommes d’affaires poursuivis en justice, dont certains occupaient une place importante dans l’agroalimentaire privé.
Le cas le plus emblématique est celui du groupe Amor Benamor, dont les unités de Guelma ont été intégrées à la Filiale Céréales et Conserveries de l’Est (FCCE), propriété d’Agrodiv Spa depuis octobre 2024. Ces sites s’étendent sur 172 000 m² et disposent d’une capacité de 500 000 boîtes de concentrés et 180 000 bocaux de confiture par jour. À ces acquisitions s’ajoutent des actifs issus des entreprises de Ali El Hamel, intégrés plus partiellement, ainsi qu’un réseau d’usines et de silos repris à d’autres opérateurs désormais sous gestion publique.
Un équilibre financier encore fragile
Cette expansion a permis à Agrodiv d’élargir son maillage industriel et de reconstituer une chaîne agroalimentaire cohérente. Mais elle a aussi complexifié la structure du groupe, en multipliant les entités, les investissements lourds et le recours au financement externe.
L’analyse du bilan 2022 révèle une structure financière soutenable. Les emprunts financiers s’élèvent à environ 14 milliards de dinars, auxquels s’ajoutent 4,6 milliards de concours bancaires inscrits en trésorerie passif, soit un endettement financier global de près de 19,5 milliards de dinars. Face à des capitaux propres de 56,7 milliards, le taux d’endettement financier ressort ainsi à 34 %, un niveau raisonnable pour un groupe industriel de cette taille.
La fragilité d’Agrodiv ne vient donc pas d’un surendettement bancaire, mais d’un déséquilibre structurel plus subtil. Les dettes fiscales, parafiscales et d’exploitation — vis-à-vis des fournisseurs, de l’administration et des organismes sociaux — représentent encore plus du tiers du passif total. Ce poids traduit une trésorerie sous tension et une dépendance forte au crédit interentreprises.
Autrement dit, Agrodiv vit davantage sur la flexibilité de son environnement économique que sur une autonomie financière consolidée.
La liquidité demeure précaire, les actifs courants n’assurant qu’une couverture partielle des dettes à court terme et plaçant le groupe sous une contrainte de trésorerie permanente. L’amélioration du résultat net traduit sans doute un redressement opérationnel, mais les fondamentaux financiers demeurent fragiles.
Agrodiv symbolise la reconstruction d’un pôle agroalimentaire public dans l’Algérie post-Bouteflika, un rôle stratégique mais difficile à assumer. Le groupe combine des actifs récents et d’autres vieillissants, un savoir-faire industriel indéniable mais une dépendance financière persistante. Sa trajectoire, prometteuse sur le plan industriel, repose encore sur des bases fragiles qu’il faudra consolider pour que le champion public puisse soutenir durablement son ambition nationale.