Tel est pris qui croyait prendre. Le ministre de l’intérieur français, Bruno Retailleau, a été pour le moins mal inspiré de vouloir expulser manu militari, sans autre forme de procès, un Algérien résidant régulièrement en France, client, ces jours-ci, de la justice française pour de présumées publications sur les réseaux sociaux passibles de sanctions pénales.
Le gouvernement algérien, par la voie du ministère des affaires étrangères, a, dans une réaction exprimée ce samedi, expliqué en quoi la démarche de Retailleau est contestable, invitant le premier flic de France à réviser les notions de droit les plus élémentaires.
Si le gouvernement algérien a précisé d’emblée que l’Algérie n’est aucunement engagée dans une logique d’escalade, il n’a pas manqué d’asséner des vérités massues à l’extrême droite française qu’il a pris soin de distinguer du gouvernement français.
« L’extrême droite revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français mènent actuellement une campagne de désinformation, voire de mystification, contre l’Algérie. Ce faisant, ils croient y avoir trouvé un exutoire à leurs rancœurs et à leurs frustrations », a dénoncé le MAE.
Le gouvernement algérien reproche à l’extrême droite française de travailler à saborder les relations algéro-françaises qui se sont grandement altérées, depuis juillet 2024, après que la France ait publiquement exprimé son soutien au plan marocain d’autonomie pour le Sahara Occidental.
« Contrairement à ce que prétendent l’extrême droite française, ses porte-voix et ses relais, l’Algérie n’est, d’aucune façon, engagée dans une logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation. C’est bel et bien l’extrême droite et ses représentants qui veulent imposer à la relation algéro-française leurs vues faites de velléités d’intimidation, de menaces et d’un bras de fer dont ils parlent sans retenue et sans nuances ».
Pour le gouvernement algérien, « l’expulsion arbitraire et abusive d’un ressortissant algérien de France vers l’Algérie a fourni à cette partie nostalgique de la France l’occasion de donner libre cours à ses règlements de compte historiques avec l’Algérie souveraine et indépendante », ajoutant que « cette occasion a été mal-choisie.
En effet, le ressortissant objet de l’expulsion vit en France ce depuis 36 ans. Il y dispose d’un permis de séjour depuis 15 ans. Il est père de deux enfants nés de son union avec une ressortissante française. Enfin, il est socialement intégré dan la mesure où il exerce un emploi stable depuis 15 ans ».
Si le gouvernement algérien a pris le soin de souligner toutes ces données, c’est pour conclure que l’expulsion objet de polémiques est « précipitée et contestable », tant est que cette dernière l’a empêché de faire ses droits devant les juridictions françaises et européennes.
« En conséquence, ce ressortissant n’a pu bénéficier d’un procès judiciaire en bonne et due forme, qui constitue un rempart contre l’abus de pouvoir, dans la mesure où son ordre d’expulsion, s’il avait été mené à son terme, l’aurait privé de défendre ses droits lors du procès prévu le 24 février de l’année en cours », fait encore remarquer le MAE.
Précipitant son ordre d’expulsion, le ministre de l’intérieur français n’a pas respecté la convention consulaire algéro-française du 24 mai 1974, laquelle oblige la partie française à informer la partie algérienne sur l’arrestation, la garde à vue et la détention du ressortissant objet de l’expulsion. Le gouvernement algérien accuse également la partie française de ne pas avoir donné suite à la demande algérienne « d’exercer sa protection consulaire au profit du ressortissant concerné à travers le droit de visite ».
« Au vu de tous ces dépassements et de toutes ces violations des droits acquis par le ressortissant algérien sur le territoire français, la décision algérienne dans cette affaire est animée par le souci de lui permettre de répondre aux accusations qui sont portées contre lui, de faire valoir ses droits dans le cadre d’un processus judiciaire juste et équitable sur le territoire français », a précisé encore le MAE.
Jeudi 9 janvier, la France a tenté d’expulser vers l’Algérie un influenceur qui publie sur les réseaux sociaux sous le patronyme de « Boualemn ». Ce dernier avait été interpellé dimanche à Montpellier pour des publications dur TikToK dans lesquelles il appelle à la violence contre des militants politiques algériens.
Boualem sera renvoyé en France le jour même, soit dans la soirée du jeudi. Le vendredi, Bruno Retailleau a déclaré que « on a atteint avec l’Algérie un seuil extrêmement inquiétant », ajoutant que « la France ne peut pas supporter cette situation ».