Œil pour œil, dent pour dent, voilà l’état de la relation algéro-française, marquée par une crise jamais égalée en gravité et en longévité. Le dialogue ayant été rompu moins d’une semaine après avoir été amorcé avec la visite en Algérie, le 6 avril 2025, du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, Alger et Paris ne se parlent plus, depuis la mi-avril, qu’à coups d’expulsions de personnels diplomatiques.
L’accord bilatéral de 2013, relatif à la circulation des personnels diplomatiques entre les deux pays, survivra-t-il aux tensions actuelles ?
Le mardi 13 mai, le chargé d’affaire de l’ambassade d’Algérie à Paris a été convoqué au ministère des affaires étrangères français pour lui notifier qu’en réaction à la décision de l’Alger d’expulser une quinzaine de diplomates français, Paris réagira par la réciprocité. Le Quai d’Orsay considère la décision des autorités algériennes comme « une violation de l’accord bilatéral de 2013 ». La violation de l’accord en question, si violation il y a, elle a été d’abord commise par les Français en interdisant à des algériens détenteurs de passeports diplomatiques d’accéder au territoire français.
Les premiers à violer l’accord de 2013 se sont les services du ministère français de l’Intérieur, un département aux mains de Bruno Retailleau, un ministre habité par la haine de l’Algérie qui ne rate aucune occasion de le souligner. Au début du mois de février 2025, Abdelaziz Khellaf, ancien directeur de cabinet du président de la République, a été interdit d’accès au territoire français et refoulé de l’aéroport à Paris, alors qu’il voyageait avec un passeport diplomatique. Quelques jours plus tard, c’était au tour de l’épouse de l’ambassadeur d’Algérie au Mali de vivre la même mésaventure.
L’expulsion d’agents consulaires et fonctionnaires de l’ambassade de France en Algérie est survenue bien plus tard, près de deux mois après que les services de Bruno Retailleau aient refoulé des Algériens détenteurs de passeports diplomatiques. L’expulsion de la mi-avril a fait suite à l’interpellation sur la voie publique d’un agent consulaire algérien en poste à Paris, visé par une enquête judiciaire autour de l’enlèvement supposé du youtubeur Amiz DZ. L’Algérie a estimé que l’arrestation – suivie d’une mise en examen et d’un mandat de dépôt – n’a pas satisfait aux procédures stipulées par l’accord de 2013.
Les autorités françaises ont réagi par la réciproque, en expulsant, à leur tour, 12 agents consulaires algériens. Le président français Emmanuel Macron a, en même temps, rappelé l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet. Ce dernier n’a toujours pas regagné son poste. Et, telles que les choses évoluent, son retour n’est pas pour demain. Car, depuis, la crise est allée s’aggravant. L’Algérie a déclaré persona non grata 15 autres agents consulaires dont « les affectations n’ont pas été faites dans le respect des procédures ». La France a annoncé qu’elle y appliquera la réciprocité.
À ce rythme, les représentations diplomatiques entre les deux pays, consulats et ambassades, pourraient finir par fermer…pour manque de personnels. Dans une dépêche publiée en début de semaine, l’APS rapportait que 9 diplomates algériens attendent depuis plusieurs semaines leurs accréditations en France. Des accréditations qui tardent à être délivrées. Par ailleurs, l’Algérie est sans ambassadeur en France depuis la fin juillet 2024. La France est sans ambassadeur en Algérie depuis la mi-avril 2025.
La remise en cause de l’accord bilatéral de 2013 qui, entre autres, exempte de visas les détenteurs de passeports diplomatiques, a été, depuis janvier 2025, au moins, un des éléments autour desquels a évolué la surenchère de l’extrême droite et de la droite française mais aussi de certains ministres du gouvernement Bayrou. C’est le ministre français de la justice, Gerald Darmanin qui a été le premier à affirmer vouloir supprimer l’accord en question. C’était le 12 janvier 2025 sur la chaine LCI. À sa suite, son collègue de l’Intérieur, Bruno Retailleau en a non seulement fait un leitmotiv mais n’a pas également hésité à fouler aux pieds les dispositions de l’accord, en refoulant les détenteurs algériens de passeports diplomatiques.
Les expulsions, de part et d’autre, d’agents consulaires pose la question du devenir de l’accord bilatéral algéro-français de 2013. Il risque d’être le premier dommage collatéral de l’impasse diplomatique actuelle. Une impasse qui peut conduire à carrément une rupture. D’autant que l’Élysée ne semble plus en être le chemin de contournement. Emmanuel Macron donne l’air d’avoir abandonné la partie à ses ministres va-t-en guerre.