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ENIE, un équilibre financier sans élan productif


Dans ses derniers comptes (2023), l’entreprise publique ENIE illustre une contradiction bien connue du tissu industriel algérien, affichant une santé financière de façade tandis que son activité s’essouffle. Si le bilan paraît exemplaire, c’est moins par la vigueur de la production que par la valorisation comptable d’actifs anciens.

L’année 2023 consacre ce contraste. Le chiffre d’affaires chute de 17 %, passant de 2,73 à 2,26 milliards de dinars, tandis que la rentabilité économique plafonne à 3,4 %. Derrière ces chiffres, l’entreprise ne recourt à aucune dette, ses capitaux propres finançant intégralement ses actifs, une situation rare dans le secteur industriel. Cette autonomie, si elle rassure les comptables, traduit aussi une absence d’investissement productif. L’équilibre financier d’ENIE repose ainsi sur la conservation de ses ressources plutôt que sur leur mise en mouvement.

Le poids des terrains et la stabilité des écarts de réévaluation témoignent d’un patrimoine conséquent — près de 9,5 milliards de dinars — mais figé. Les immobilisations productives, elles, sont quasi nulles. L’entreprise vit davantage sur la valorisation de ses actifs fonciers que sur la dynamique de sa production industrielle.

Ce profil d’entreprise « riche mais immobile » illustre un modèle courant, celui d’une industrie publique qui a su préserver son bilan mais perdu son élan industriel. En d’autres termes, ENIE brille par la taille de son patrimoine, non par sa capacité à le faire fructifier.

Une solidité patrimoniale qui masque la fragilité industrielle

L’absence d’endettement confère à ENIE une autonomie totale, mais aussi une inertie stratégique. Sans levier financier, pas de modernisation, pas de prise de risque, donc pas de croissance. Ce choix prudent, compréhensible dans un contexte d’incertitude économique, finit par ralentir la transformation de l’entreprise.

À long terme, cette posture défensive pourrait s’avérer contre-productive, car un capital dormant ne protège pas d’un marché en mutation rapide. Les industries concurrentes, plus endettées mais plus investisseuses, avancent.

ENIE illustre parfaitement ce capitalisme d’actifs où la valeur du patrimoine supplante la dynamique économique. Solide sur le papier, la société reste vulnérable dans les faits, son chiffre d’affaires s’érodant, sa rentabilité s’essoufflant et son outil industriel demeurant atone.

La question est désormais claire, à savoir jusqu’à quand une telle stabilité comptable pourra masquer une fragilité productive. Car si la valorisation d’actifs peut embellir un bilan, elle ne remplace pas la croissance — seul moteur durable de toute entreprise industrielle.