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France: laisser un peu du macronisme pour sauver Macron


L’impasse politique en France est telle qu’elle affecte le président Macron dans ce qui lui tient de sacerdoce : le macronisme. Lâché par beaucoup parmi les siens, acculé par les assauts soutenus de l’extrême gauche et de l’extrême droite, et fragilisé par la dislocation du « socle commun », le président français, pour s’éviter le pire, se fait violence et se plie à l’exigence de la gauche. Il souscrit, la mort dans l’âme, bien sûr, à la suspension de la réforme des retraites.

Jamais la Ve République française ne s’est aussi mal portée que durant ce second quinquennat d’Emmanuel Macron. En moins d’un an et demi, trois gouvernements ont été consommés. Le quatrième, le gouvernement Lecornu II, accouché aux forceps le 12 octobre, n’est pas assuré de survivre longtemps. Le test parlementaire en cours pourrait lui être fatal, comme il l’a été pour le gouvernement Barnier en décembre 2024 (censure) et le gouvernement Bayrou en septembre 2025 (vote de défiance).

Pour espérer échapper à la censure dont le menacent le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI), le gouvernement Lecornu II consent à la gauche ce qu’elle ne cesse de réclamer : la suspension de la réforme des retraites, principale mesure du second mandat de Macron. Une suspension jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, et ses alliés de gauche avaient raison d’insister. Affaibli, Emmanuel Macron ne pouvait que lâcher du lest.

La censure s’éloigne mais la crise persiste

L’indulgence de la gauche à l’égard du gouvernement Lecornu II pourrait éviter la censure mais ne met pas fin à la crise politique en France. Sans majorité à l’Assemblée, la gouvernance d’Emmanuel Macron est guettée par les difficultés pour le reste de son second quinquennat. Difficultés qu’aggravera, bien sûr, le dégarnissement du socle politique sur lequel reposait jusque-là son action, ainsi que l’affûtage des armes à mesure qu’approche l’élection présidentielle.

La distance que la droite républicaine vient de prendre avec la macronie entamera sans nul doute ce qui reste de la superbe du président français qui, finalement, n’est pas si inflexible qu’il tentait de le faire croire. Les contingences politiques ont fini par le faire revenir sur son serment de ne jamais gouverner à gauche. Une gauche vers laquelle l’a poussé son désormais ex-ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui, durant son bail place Beauvau, n’hésitait pas à le déborder sur nombre de dossiers, y compris les plus sensibles, à l’instar de la relation algéro-française.

La torpille nommée Retailleau

C’est bien Bruno Retailleau qui a torpillé le gouvernement Lecornu I, qu’il a fait naître mort, obligeant le président Macron à des colmatages dont il se serait bien passé. Au prétexte que Sébastien Lecornu ne l’a pas informé de la nomination de Bruno Le Maire à la Défense, Bruno Retailleau a décidé de mettre entre parenthèses la participation des LR au gouvernement et a fait tout s’écrouler.

Très vite, cependant, la parenthèse s’est muée carrément en non-participation au gouvernement, ajoutant à la difficulté de Lecornu de composer un nouvel exécutif. Une composition qui devait nécessairement tenir compte de la réalité parlementaire et de l’arithmétique au moment du vote des motions de censure déposées par le RN et LFI. Retailleau reviendra-t-il à de meilleurs sentiments ou poursuivra-t-il dans sa bravade ?

Lorgnant l’Élysée, le patron des LR a désormais les coudées franches, libéré qu’il est, formellement du moins, de la réserve qu’aurait pu lui dicter sa qualité de membre de l’exécutif. Sa décision prise à l’encontre des cadres des LR qui ont passé outre sa directive et rejoint le gouvernement Lecornu II laisse supposer qu’il manœuvrera et usera de la philippique autant que faire se peut contre Macron.

Macron reprendra-t-il la main sur le dossier Algérie ?

Bruno Retailleau éloigné du gouvernement, le président Macron reprendra-t-il la main dans le dossier Algérie ? Un dossier dont il avait abandonné la gestion durant de longs mois à son désormais ex-ministre de l’Intérieur, faut-il encore le souligner.

Débarrassé de la surenchère de son ministre de l’Intérieur autour de la relation algéro-française, rien, de prime abord, n’empêche le président Macron de tenter de ressouder les fissures béantes creusées par le discours, mais aussi les actes, racistes de Bruno Retailleau. À moins que lui-même ne le veuille pas, cependant, et choisisse de léguer le dossier à son successeur à l’Élysée.

Soustraite à la surenchère raciste de l’extrême droite et de la droite, la relation algéro-française, aujourd’hui au bord de la rupture, pourrait se rétablir, pour peu que, d’un côté comme de l’autre, se manifestent les bonnes volontés. Peut-être même sans besoin d’intermédiation pour renouer le dialogue. Avant que Retailleau n’attise la crise entre Alger et Paris, le courant passait bien entre les présidents Tebboune et Macron. Les deux chefs d’État revendiquaient même une amitié.