Soufiane Djilali s’apprête à passer le témoin. Il en a fait l’annonce dans une lettre adressée aux militants de Jil Jadid. Son départ de la présidence du parti est dicté par une obligation statutaire qui limite à deux le nombre de mandats du président. Il se veut aussi un acte de pédagogie. Soufiane Djilali quitte ainsi la responsabilité partisane en homme dépité, constatant que le pays s’enlise toujours dans une « dérive autocratique ».
Le constat que dresse Soufiane Djilali dans sa lettre aux militants de Jil Jadid n’est guère reluisant :
« Les droits et libertés définis par la Constitution sont en réalité suspendus. Nous vivons de fait dans une forme d’état d’exception permanent. Cette dérive autocratique est le reflet d’un échec, non seulement des gouvernants mais aussi de l’organisation politique du pays elle-même. Elle est structurelle », assène-t-il.
Acteur de longue date sur la scène politique algérienne, le président sortant de Jil Jadid affirme que le système de gouvernance en Algérie « n’a pas accepté » de voir les partis politiques « actifs et encore moins autonomes ». En disant cela, Soufiane Djilali partage son expérience de chef de parti dans un environnement verrouillé.
« Le pouvoir doit apaiser les tensions internes »
« Dans la phase actuelle, le système de gouvernance les veut simple caution et cherche à restreindre toujours davantage le champ des libertés politiques, tout en promouvant des appareils soumis pour faire valoir un multipartisme factice. Lancé dans sa propre logique, le système de gouvernance actuel a clôturé le champ de l’opposition politique, comme il a perverti la société civile, les syndicats et les médias », soutient-il, sentencieux.
Aux yeux de Soufiane Djilali, en Algérie, rien ne va, notamment en matière de libertés et de justice :
« Petit à petit, toutes les institutions ont été monopolisées et instrumentalisées par un exécutif hégémonique, désormais détenteur de pouvoirs sans limites, au-dessus même des règles constitutionnelles », relève-t-il. Et d’ajouter : « La justice est réduite à un bras qui frappe toute contestation et harcèle tous ceux qui dénoncent les malversations ou réclament leurs droits. La corruption se généralise et prend une nouvelle vigueur ».
Un appel à la refondation politique
Peu reluisante telle qu’elle est décrite, la situation serait-elle pour autant irrémédiable ? Soufiane Djilali ne se veut pas désespéré. Il pense qu’il est encore possible de rétablir les liens entre gouvernants et gouvernés, surtout face aux défis qui guettent le pays. « Pour y faire face, il est urgent de rétablir la confiance entre les dirigeants eux-mêmes d’une part, et entre le pouvoir constitué et le peuple d’autre part. Il faudra rendre le système de gouvernance légitime et performant », suggère-t-il.
Avertissant que « l’État est en danger », Soufiane Djilali préconise un impératif auquel le pouvoir doit se plier sans plus tarder : « Le pouvoir doit apaiser les tensions internes, mettre fin aux règlements de comptes, libérer les trop nombreux prisonniers injustement incarcérés, opérer une réelle ouverture politique et construire une véritable économie productive », soutient-il. Et de conclure : « Il nous faut un consensus national pour une refondation politique ».