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Grâce présidentielle : Tebboune cède à Berlin et fragilise sa propre justice


En accédant à la demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier pour accorder une grâce à l’écrivain Boualem Sansal, Abdelmadjid Tebboune a cédé à une pression diplomatique étrangère, discréditant au passage une justice algérienne qui a condamné d’autres citoyens pour les mêmes chefs d’accusation — sans qu’aucun chef d’État étranger ne plaide leur cause.

Derrière les mots du communiqué officiel du 10 novembre 2025, évoquant des « considérations humanitaires », se cache un acte éminemment politique. L’Allemagne, embarrassée par son silence face à la tragédie ghazaouie, retrouve opportunément une fibre humaniste à Alger. Cette intercession sélective illustre une compassion à géométrie variable, où la morale devient le paravent de la diplomatie.

Berlin, qui justifie son soutien inconditionnel à Israël au nom d’une mémoire historique culpabilisante, trouve dans le cas Sansal une occasion de réaffirmer sa stature morale à peu de frais. Ce geste, présenté comme humanitaire, s’inscrit moins dans la logique du droit que dans celle du redressement symbolique. En intervenant auprès de Tebboune, l’Allemagne s’offre un acte de bienveillance internationale sans remettre en cause ses silences ailleurs — notamment face aux souffrances des civils palestiniens.

Un calcul diplomatique algérien

Pour le pouvoir algérien, cette grâce a tout d’un mouvement tactique. En répondant favorablement à Berlin plutôt qu’à Paris, Tebboune se ménage une sortie d’un dossier sensible, tout en évitant l’impression d’une concession à l’ancienne puissance coloniale. L’Allemagne, perçue comme neutre et respectueuse, devient ainsi un vecteur utile, permettant à Tebboune d’afficher un geste d’ouverture sans perte de face.

Mais cette manœuvre diplomatique a un coût. Elle sape la crédibilité d’une justice déjà perçue comme instrumentalisée. Lorsque la clémence devient une variable d’ajustement dans le jeu des relations internationales, la morale n’est plus un principe, mais une posture.

En somme, l’affaire Sansal expose deux cynismes parallèles, celui d’une Europe qui distribue la compassion selon ses intérêts, et celui d’un régime algérien qui troque la rigueur judiciaire contre un dividende symbolique. Dans les deux cas, l’humanisme sert moins à libérer qu’à légitimer.