L’Assembée populaire nationale (APN) a entamé lundi 15 décembre les premières discussions autour d’un projet de loi visant à criminaliser la colonisation française, un texte longtemps bloqué et relancé dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre Alger et Paris, a rapporté le média qatari al-Araby al-Jadid, dans une correspondance signée Otman Lahiani.
Selon cette source, la commission de la défense de l’Assemblée populaire nationale a ouvert les débats préparatoires sur ce projet, porté par une convergence politique et présenté comme le premier cadre législatif global consacré à la criminalisation de la période coloniale. Le texte doit être soumis au débat en plénière samedi prochain, avant un vote prévu le 24 décembre.
Le projet de loi comprend 26 articles couvrant l’ensemble de la période coloniale, de l’invasion française de 1830 à l’indépendance de l’Algérie en 1962. Il qualifie la colonisation française de crime d’État et définit juridiquement les exactions commises, en tenant la France responsable de leurs conséquences matérielles et immatérielles, selon al-Araby al-Jadid, qui dit avoir consulté le document.
Le texte dresse une liste de 27 catégories de crimes imputés à l’administration coloniale, incluant les massacres de civils, l’usage excessif de la force militaire, les exécutions extrajudiciaires, la torture, les discriminations raciales, les déportations, la confiscation des terres, ainsi que les essais nucléaires et la pose de mines. Ces crimes sont qualifiés d’imprescriptibles.
Le projet prévoit également des dispositions obligeant l’État algérien à recourir à tous les moyens juridiques et judiciaires pour obtenir de la France une reconnaissance officielle, des excuses formelles et des réparations. Il réclame la restitution des archives, des biens culturels et des restes de figures de la résistance algérienne, dont plusieurs centaines de crânes conservés dans des musées français, ainsi que la remise des cartes des essais nucléaires et des sites contaminés.
Portée juridique et enjeu mémoriel
Sur le plan interne, le texte introduit des sanctions pénales contre toute apologie ou glorification de la colonisation française. Selon al-Araby al-Jadid, ces infractions pourraient être punies de peines de prison allant de cinq à dix ans, assorties de la perte des droits civiques et politiques. Le projet assimile également la collaboration avec l’administration coloniale à un acte de haute trahison et interdit toute atteinte aux symboles de la résistance nationale.
Les promoteurs du texte affirment qu’il vise à contrer les tentatives de falsification de l’histoire et à établir des mécanismes juridiques garantissant la justice historique et de non-impunité. Le projet intervient alors que de nombreuses voix, en Algérie comme en France, appellent à une relecture du passé colonial, tenant un discours réducteur des violences de la période coloniale.
Le Parlement algérien avait engagé dès mars dernier les premières étapes formelles du processus, en mettant en place une commission multipartite chargée de l’élaboration du texte. S’il est adopté, le projet constituerait l’une des initiatives mémorielles les plus ambitieuses entreprises par l’Algérie depuis son indépendance, dans un dossier qui continue de peser lourdement sur ses relations bilatérales avec la France.
Cette initiative intervient alors que la France avait adopté en 2005 une loi appelant à reconnaître le « rôle positif » de la présence française outre-mer, une disposition partiellement abrogée par la suite mais restée emblématique des divergences mémorielles entre les deux pays. Le projet algérien s’inscrit ainsi dans une approche inverse, visant à consacrer juridiquement une lecture pénale et imprescriptible de la période coloniale.