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Le Parlement veut soumettre Facebook et TikTok au contrôle d’une autorité de régulation


L’Assemblée populaire nationale (APN) s’apprête à examiner un projet de loi qui pourrait redessiner les contours du paysage numérique algérien. Le texte, déposé par le député Abdelbasset Bouhali, vise à soumettre les grandes plateformes internationales (TikTok, Facebook, YouTube, Instagram ) à une supervision directe de l’État. En apparence, une mesure de « souveraineté numérique ». En profondeur, un signal politique : l’Algérie veut reprendre la main sur l’ espace virtuel.

Le projet, selon la chaîne Echorouk, prévoit d’imposer à toute plateforme dépassant le million d’utilisateurs dans le pays de nommer un représentant légal local. Les géants du numérique seraient amenés à ouvrir un bureau en Algérie, de stocker les données sur le sol national, et de supprimer dans les 24 heures tout contenu jugé « contraire à la loi ou aux valeurs morales ». Des obligations assorties de rapports semestriels à remettre aux autorités.

En cas de manquement, la loi prévoit un arsenal répressif graduel. Des amendes lourdes, suspension de service, voire poursuites pénales lorsque la sécurité nationale est invoquée.

Une nouvelle Autorité nationale de régulation du numérique, directement rattachée à la présidence, serait chargée de contrôler l’application de ces dispositions. L’architecture du projet laisse transparaître une volonté centralisatrice de la régulation numérique entre les mains du pouvoir exécutif.

L’argument de la souveraineté

Le texte s’inscrit dans une rhétorique désormais bien rodée, prônant la « souveraineté numérique », invoquée pour protéger les citoyens contre la collecte abusive de leurs données et les contenus toxiques. L’argument n’est pas illégitime, car les grandes plateformes opèrent sans réelle transparence, accumulant des données sensibles dans des serveurs hors de portée du droit national.

Mais le flou du texte interroge. Qui décidera de ce qu’est un contenu “contraire aux valeurs” ? Quels garde-fous garantiront que la suppression en 24 heures ne devienne pas un instrument de censure politique ou morale ? L’expérience montre que les régimes pourraient s’emparer de ce type de législation pour museler les voix dissidentes sous prétexte de “protéger la société”.

Les promoteurs du texte citent la Turquie, l’Inde ou l’Allemagne comme références. Mais la comparaison a ses limites. En Allemagne, la loi NetzDG encadre les procédures de retrait de contenu et soumet les autorités à des contre-pouvoirs judiciaires robustes. En Turquie, à l’inverse, l’obligation faite à Twitter ou Facebook d’avoir des représentants locaux s’est rapidement transformée en outil de pression politique.