Nommé mardi en remplacement de François Bayrou, démissionnaire à la suite d’un vote de défiance de l’Assemblée française, Sébastien Lecornu a pris officiellement ses fonctions de Premier ministre le mercredi à la mi-journée. Hors de Matignon, où l’ambiance est à la passation de consignes, un peu partout en France, et particulièrement à Paris, la rue bouillonne.
C’est donc à un fidèle parmi les fidèles qu’Emmanuel Macron confie les rênes du gouvernement, après l’échec de François Bayrou à vendre sa copie – faite d’austérité et de remise en cause de certains acquis sociaux – aux Français. Sébastien Lecornu, qui fut ministre de la Défense dans le gouvernement sortant, parviendra-t-il à incarner autre chose que le macronisme ?
Dans son bref discours, au moment de la passation de consignes avec Bayrou, Lecornu a promis « la rupture », c’est-à-dire un gouvernement qui y travaillera. Une promesse qui, en l’espèce, s’entend comme un engagement politique. Il faut le dire, cet engagement n’est pas aisé à tenir. L’équation est en effet difficile à équilibrer pour le nouveau patron de Matignon. Notamment, comment rompre avec le macronisme sans trahir Macron ?
La tâche est d’autant plus délicate que le consensus politique nécessaire pour gouverner est très difficile à trouver dans une France en crise. Une France en panne, aussi, de contrat social. La droite française ne parvient pas à pactiser avec l’extrême droite, dont elle tente de se rapprocher. Il n’y a aucun espoir que l’extrême gauche décampe de ses positions.
Le nouveau Premier ministre a l’idée d’engager des consultations avec la classe politique française. Il n’a pas d’autre choix que d’y aller, notamment pour la formation de son gouvernement. Outre la recherche d’un équilibre pour l’exécutif, Lecornu a besoin d’un pacte de « non-censure ». Cela évitera à son gouvernement de connaître le sort de celui de Bayrou.
Lecornu va-t-il repêcher des ministres ? Lesquels ?
Forcément, Sébastien Lecornu va s’appuyer sur les partis qui se sont déclarés prêts à composer avec lui : le MoDem de Bayrou et Les Républicains (L.R.) de Bruno Retailleau. Mais il cherchera aussi à réduire l’hostilité de l’extrême droite et de l’extrême gauche à l’égard du « macronisme ».
Si le MoDem ne peut pas vendre la candidature de Bayrou pour faire partie du nouvel exécutif, il est fort à parier que Les Républicains voudront que Bruno Retailleau soit reconduit. Le ministre de l’Intérieur sortant n’est pas autorisé à s’exprimer sur ses intentions, occupé qu’il est par la gestion du mouvement « Bloquons tout ». En revanche, son collègue Gérald Darmanin, également ministre sortant et garde des Sceaux dans le gouvernement Bayrou, dit souhaiter être maintenu, voire reconduit dans ses fonctions.
Si Bruno Retailleau venait à être maintenu place Beauvau, ce serait le signe que le nouveau Premier ministre, et par extension le président Macron, n’entendent pas changer de ligne de conduite. Notamment s’agissant de la relation de la France avec l’Algérie. Cette relation est poussée au bord de la rupture après quatorze mois de crise. Bruno Retailleau incarne, il faut le dire, la ligne dure française à l’égard de l’Algérie.
Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Barnier (nommé le 21 septembre 2024) puis dans le gouvernement Bayrou, Bruno Retailleau a tout entrepris pour pousser la crise algéro-française à son paroxysme. Il l’a fait par ses actes et par ses discours. S’il ne tenait qu’à lui, la rupture serait déjà totalement consommée.
Cependant, si Bruno Retailleau ne survivait pas au départ de François Bayrou, ce serait peut-être le signe que la France souhaite un apaisement avec l’Algérie. Du moins, cela pourrait ouvrir la voie à une décrispation des relations entre les deux pays.