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Les impayés asphyxient la BADR Bank


Impliquée dans les dispositifs d’aide à l’emploi des chômeurs et le financement des micro-entreprises non-agricoles, la Banque de l’agriculture et du développement local (BADR) se retrouve face à des dizaines de milliards de dinars d’impayés qui s’ajoutent aux dizaines de milliards de créances douteuses détenues par les PME privées et les entreprises publiques.  

La mission de contrôle effectuée dans cette banque sur la période 2011-2017 par la Cour des comptes indique que les impayés liés aux dispositifs d’aide (ANSEJ, ANGEM et CNAC) avaient atteint 53,6 milliards DZD pour 49 964 dossiers en 2017, soit près de 30% du montant total des crédits accordés dans le cadre de ces dispositifs et près de 20% de l’ensemble des impayés.

Les impayés des crédits accordés via l’ANSEJ –désormais dénommée « Agence nationale d’appui et de développement de l’entrepreneuriat (ANADE) » – à elle seule ont totalisé 43 milliards DZD.

Cette situation, explique le rapport 2020 de la Cour des compte qui contient les résultats de ladite mission de contrôle, est due au fait que la banque n’avait pas de pouvoir décisionnel dans l’octroi de ce type de crédits : «  Les demandes de financement relatives au dispositif aidé sont étudiées par les commissions de wilaya habilitées dont la banque est membre ordinaire. Par conséquent, sa voix n’est pas prépondérante dans les décisions d’octroi des crédits aux jeunes promoteurs ». 

Le Trésor public est également impliqué dans ces dispositifs d’aide. Si le montant total des crédits bonifiés accordés par la BADR Bank dans le cadre des dispositifs d’aide est passé de 27,3 milliards DZD à 182 milliards DZD entre 2011 et 2017, celui des intérêts bonifiés, facturé au Trésor public au titre de ces financements, s’élève à un total de 28,8 milliards DZD (259 millions USD).

Les intérêts bonifiés des crédits accordés par la BADR via l’ANSEJ ont coûté 19,8 milliards DZD au trésor public. Les crédits accordés par le biais la CNAC ont totalisé 8,4 milliards DZD d’intérêts bonifiés, et ceux distribués à travers l’ANGEM 487 millions DZD.

Dotée d’un capital social de 54 milliards DZD, la BADR est une banque publique créée 1982. Elle a pour missions le développement du secteur agricole, de l’industrie agroalimentaire, de la pêche, de l’aquaculture et la promotion du monde rural ainsi que toutes les activités qui y concourent.

Or, elle assure le financement de plus de 300 filières d’activités y compris le tourisme et la promotion immobilière. La mission de la Cour des comptes a d’ailleurs constaté une faible quote-part accordée aux agriculteurs.

Son réseau compte 307 agences actives qui gèrent deux millions de comptes dont 250 000 comptes à engagements.

Une vingtaine de privés totalisent 62 milliards DZD d’impayés

Les financements de la BADR durant la période 2011-2017 ont également bénéficié aux entreprises publiques économiques (EPE) –dont la décision d’octroi est du ressort du Conseil des Participations de l’Etat (CPE) et des services du Premier ministre–, et aux PME privées. Et, ces financements ont également été confrontés à des difficultés de remboursement induisant des impayés.

Le montant des crédits d’investissement bonifiés accordés par la BADR est passé de 99,3 milliards DZD en 2011 à 582,9 milliards DZD en 2017 dont 285 milliards DZD de crédits ont bénéficié aux entreprises publiques et 70 milliards DZD ont financé des PME privées.

Les bonifications accordées par le Trésor public au titre de ces financements s’élèvent à 42,2 milliards DZD. Le montant des intérêts bonifiés relatifs aux crédits accordés entreprises publiques économiques, déjà facturé par la BADR au Trésor public,  est de 7,1 milliards DZD. Quant aux bonifications cumulées par les PME privées, elles étaient de 761 millions DZD.

Le montant des crédits impayés relatif au secteur privé est passé de 81,9 milliards DZD pour 16 587 dossiers en 2011 à 100,9 milliards DZD pour 15 580 dossiers en 2017.

Dans sa réponse aux contrôleurs de la Cour des comptes, le PDG de la BADR a révélé le montant total des créances compromises de la banque : « Relativement à l’évolution des créances classées, il y a lieu de préciser qu’une partie très importante des impayés est concentrée sur d’anciennes relations. Ces impayés continuent d’affecter les résultats de la Banque. A titre d’exemple, à la date du 31 décembre 2019, les vingt premières relations du secteur privé enregistrent plus de 62 milliards DZD d’impayés, soit 23% du total impayés ».

Ainsi, le total impayé s’élève à hauteur de 270 milliards DZD, au 21 décembre 2019. La Cour des comptes souligne que « l’intervention de la BADR dans la mise en œuvre du financement bonifié, si elle a eu pour conséquence l’amélioration significative de son activité commerciale, a entrainé une dégradation de la qualité du portefeuille de ses engagements sans pour autant relancer  l’investissement productif ».

Quant aux raisons de la hausse des impayés, le PDG de la BADR évoque la non-viabilité des projets financés : « Cette situation est due, essentiellement, à l’absence de maturation des projets, l’insuffisance des apports des promoteurs, retards considérables dans les réalisations des projets (différés totalement consommés dans la phase de réalisation), saturation de plusieurs créneaux d’investissement, difficultés de commercialisation, etc ».