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L’État se finance via la Banque d’Algérie et le cash circule plus que jamais


La Banque d’Algérie a publié sa situation monétaire au 31 août 2025. Derrière ce document technique se dessine une image précise de l’état réel de l’économie : réserves encore présentes, dépendance croissante au financement monétaire de l’État et explosion de la masse de cash en circulation. Une photographie qui révèle autant la solidité apparente du système que ses fragilités structurelles.

Le bilan montre que l’Algérie dispose toujours d’un socle de sécurité financière. L’or représente plus de 2 468 milliards de dinars, les devises étrangères 1 211 milliards et les droits de tirage spéciaux (DTS) auprès du FMI 568 milliards. Ces réserves permettent de financer les importations, de soutenir le dinar et d’assurer une crédibilité minimale sur la scène monétaire internationale. Elles restent un pilier du système financier national.

Cependant, ces réserves ne constituent plus l’élément central de l’actif de la Banque d’Algérie. Leur poids recule face à d’autres postes bien plus imposants. Cette évolution marque un changement de modèle : la banque centrale n’est plus seulement un gestionnaire de réserves, elle est devenue le principal soutien financier de l’État.

La partie la plus spectaculaire du bilan concerne les relations entre la Banque d’Algérie et le Trésor public. Les avances exceptionnelles au profit de l’État atteignent plus de 8 164 milliards de dinars. Les titres publics émis ou garantis par l’État dépassent également 8 000 milliards. En ajoutant près de 800 milliards de découverts, ce sont plus de 16 000 milliards de dinars de créances que détient la banque centrale sur l’État.

Cela signifie que la création monétaire sert massivement à financer le budget public. Ce mécanisme, proche d’une monétisation de la dette ou d’une « planche à billets », permet à l’État de se financer rapidement sans recourir aux marchés extérieurs. Il réduit la dépendance à l’emprunt international, mais augmente la masse monétaire et renforce la pression inflationniste. Ce choix traduit une stratégie assumée : privilégier l’endettement interne pour soutenir les dépenses publiques, quitte à renforcer la dépendance vis-à-vis de la banque centrale.

Une masse de cash record et un équilibre de plus en plus précaire

Du côté du passif, un autre chiffre interpelle : 9 619 milliards de dinars de billets et pièces sont en circulation. Ce volume exceptionnel traduit la domination du cash dans l’économie. Il révèle une forte informalité, une faible confiance dans le système bancaire et un manque d’intermédiation financière. Plus l’argent liquide circule, plus il devient difficile de contrôler les prix et d’appliquer une politique monétaire efficace.

Le Trésor public dispose encore de 2 537 milliards de dinars sur son compte à la Banque d’Algérie, ce qui témoigne d’une marge de trésorerie. Les banques commerciales y ont également placé 1 253 milliards, signe d’une certaine stabilité du système bancaire. La Banque d’Algérie affiche par ailleurs un capital, des réserves et des provisions cumulés de plus de 2 300 milliards de dinars, lui assurant une base financière solide. Le total de l’actif et du passif, à 21 338 milliards de dinars, est parfaitement équilibré, comme l’exige la comptabilité d’une banque centrale. Mais c’est la structure interne de ce bilan qui interroge : les réserves stratégiques existent, mais le financement monétaire de l’État domine, tandis que la masse fiduciaire atteint des sommets.

Ce bilan du 31 août 2025 raconte l’histoire d’un pays qui s’appuie sur ses propres leviers pour tenir son économie, sans recourir massivement à l’endettement extérieur. La Banque d’Algérie agit comme amortisseur, financeur et stabilisateur. Mais cette stratégie a un coût : plus la création monétaire alimente l’État, plus la structure du système devient dépendante d’un équilibre fragile entre inflation, confiance et liquidité.

Aujourd’hui, le modèle tient. La question est de savoir combien de temps il pourra tenir ainsi.