Le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen et chef autoproclamé de l’armée nationale libyenne (LNA), tiendra samedi 24 décembre, jour d’indépendance en Libye, un important discours à Benghazi dans lequel des annonces « majeures » sont à prévoir selon des sources locales.
D’après les informations récoltées par Twala, Haftar pourrait affirmer davantage sa main mise sur l’Est, région connue sous le nom de Cyrénaïque ou Barqa, et le Sud de la Libye, le Fezzan, contrôlé de facto par les groupes affiliés au maréchal. Il pourrait même déclarer l’autonomie, voire la sécession politique de l’Est et du Sud selon des informations venant de l’Est libyen.
Vendredi 24 décembre, d’importants préparatifs étaient en cours à Benghazi. Plus de 20 000 personnes seront rassemblées lors du discours du maréchal. En début de matinée, des drapeaux noirs arborant le croissant et l’étoile de la Cyrénaïque ont été donnés aux citoyens à Benghazi par les services de sécurité.
Même si la situation sécuritaire demeure stable à l’Est, tous les groupes armés de l’armée arabe libyenne sont mobilisés. La puissante brigade 128, connue sous le nom de Tariq Ben Ziyad, et commandée par Saddam Haftar, le fils du maréchal, a publié un communiqué le 23 décembre appelant à être en état d’alerte.
Cette semaine, des manifestations anti-Debeibah, chef du Gouvernement d’unité nationale de Tripoli (Ouest), reconnu par la communauté internationale, ont été également organisées dans plusieurs villes du pays. Elles ont mobilisé peu de monde.
Deux mois plus tôt, en octobre, dans un discours très belliqueux tenu à Sebha, la plus grande ville du Sud libyen, Haftar est allé au-delà du simple « soulèvement » contre le gouvernement de Tripoli. Le commandant avait annoncé « une bataille inévitable qui doit être menée ».
Le 7 décembre, le maréchal Haftar avait déclaré lors d’un autre discours à la ville d’Ajdabiya à l’Est, que « la situation sécuritaire actuelle à Tripoli, ville contrôlée par des milices, peut pousser les municipalités qui jouissent de la sécurité et de la stabilité à faire sécession ». Il s’est également opposé aux négociations en cours entre les forces politiques à l’Ouest et à l’Est concernant la base électorale devant circonscrire les conditions d’éligibilité aux prochaines élections. Haftar a ouvertement condamné toute possibilité d’exclusion des militaires de se présenter aux élections.
Sous la direction du nouvel envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Abdoulaye Bathily, la mission des Nations Unies en Libye (MANUL) mène des rapprochements en vue de l’organisation d’élections présidentielle et législative en 2023. Les élections avaient été reportées sine dine en décembre 2021.
Des sources officielles à Tripoli accusent l’Égypte de soutenir la démarche de Haftar de se proclamer gouverneur de la Cyrénaïque et du Fezzan. Le Caire n’a pas réagi suite à de telles accusations qui interviennent dans un contexte tendu entre l’Est libyen et l’Égypte puisque cette dernière a adopté une démarcation unilatérale des frontières maritimes entre les deux pays, gagnant plusieurs kilomètres dans la zone économique exclusive de la Libye.
La commission des affaires étrangères et de défense du Parlement de Tobrouk (Est) a affirmé dans un communiqué publié le 22 décembre que la démarche égyptienne constitue une violation manifeste de la souveraineté de la Libye.
Le 22 décembre, l’activiste Ali Al-Amrouni, réputé proche du maréchal Haftar, a appelé dans une vidéo les tribus et les notables à soutenir l’armée nationale libyenne et le maréchal Haftar pour mener une « nouvelle révolution » qui mènera à l’indépendance.
Le maréchal Haftar contrôle le croissant pétrolier du Golfe de Syrte d’où plus 70 % du pétrole libyen est exporté. Les plus grands champs pétroliers libyens, ceux de Sharara et El Fil dans le Sud-Ouest, sont également sécurisés par des groupes pro-LNA. Toutefois, les revenus pétroliers transitent par la National Oil Corporation (NOC), puis la Banque centrale libyenne, les deux basées à Tripoli.
Depuis la fin de la guerre de Tripoli (2019), la situation financière de l’Est s’est fortement dégradée. Les autorités à l’Est cherchent depuis des mois des alternatives pour pouvoir financer les services sécuritaires et publics, en exerçant des pressions sur les deux institutions citées plus haut.