Chargement ...

Tunisie : des milliers de manifestants dénoncent la politique autoritaire de Kaïs Saïed et la crise économique


En ce 14 janvier 2023, douzième anniversaire de la Révolution tunisienne, des milliers de Tunisiens se sont rassemblés à Tunis pour protester contre l’autoritarisme du président Kaïs Saïed depuis le coup d’État constitutionnel du 25 juillet 2021 et l’aggravation de la crise socioéconomique.

Le pays fait face à d’importantes pénuries alimentaires (lait, huile végétale, café, etc.) et une inflation galopante à plus de deux chiffres. Selon les derniers indicateurs de la Banque mondiale, la pauvreté touche plus de 20 % de la population tunisienne.

Les partis considérés d’opposition ne faisaient pas du tout front commun puisque trois rassemblements séparés se sont tenus à Tunis. Le plus important a été mené par les sympathisants du Front du salut national (FSN), coalition politique formée contre le « coup d’État » du président, et des partisans d’Ennahda principalement à partir de la place du « Passage » vers l’avenue Habib Bourguiba, malgré l’interdiction par le gouverneur de Tunis de marcher sur l’allée principale de Tunis-centre.

L’avant-midi, des affrontements entre les manifestants et des forces de l’ordre qui leur ont interdit de dépasser les barrières mises en place aux alentours du ministère de l’intérieur avaient eu lieu. Les manifestants ont pu difficilement avoir accès à l’Avenue, mais ils ont été stoppés devant le ministère de l’intérieur. L’avenue Bourguiba était quadrillée par un important dispositif sécuritaire et des camions munis par des canons à eau. Toutes les rues perpendiculaires à cette avenue était fermée pour empêcher les manifestants d’accéder à ce lieu symbolique de la Révolution de 2011.

Dans une publication sur sa page Facebook, le puissant ministère de l’intérieur a considéré que les protestations se sont déroulées sans incident, et que l’organisation sécuritaire était exemplaire. Le ministère a publié des photos prises vers midi montrant une organisation des forces de l’ordre qui sécurisaient les différents points de rassemblement. Selon les chiffres officiels, pas plus de 1 300 citoyens ont marché à Tunis aujourd’hui.

Les manifestants ont scandé des slogans tels que « dégage », « le peuple veut ce que tu ne veux pas. A bas Saied », « les prix sont en feu, gouvernement de colonisation ». Les manifestants reproche au président de la République Kaïs Saïed d’avoir tout simplement « échoué ».

Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), a confirmé que des moyens de transport pour arriver à la capitale ont été interdits : « Un bus a été empêché de partir depuis Monastir, mais aussi un train de la SNCFT qui a été interdit de partir depuis Sfax. On a prétexté un problème technique alors que le train a été interdit de partir car transportant des manifestants en direction de Tunis », a-t-il noté.

Plusieurs personnalités nationales étaient présentes parmi les manifestants dont notamment les représentants du Front du Salut et d’Ennahdha à savoir Abdellatif Mekki, Noureddine Bhiri, ou encore Jaouhar Ben M’barek. Dans une déclaration à l’agence Tunisie Agence Presse (TAP), le dirigeant d’Ennahdha Samir Dilou a indiqué que la présence de toutes les formations politiques, malgré leurs différences idéologiques, traduit leur conviction commune de la date historique que représente le 14 janvier, le jour qui marque « la fin d’une dictature après un long processus de lutte et de militantisme ». Mais en réalité, la marche du 14 janvier était divisée.

De son côté, Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), a organisé un « sit-in de colère » devant l’Union des oulémas musulmans au niveau de l’avenue Kheireddine Pacha, après avoir été interdite de manifester à Carthage.

Des acteurs de la société civile se sont également mobilisés devant le siège du Syndicat des journalistes (SNJT). Ce rassemblement a surtout mis l’accent sur la répression et la régression en matière des libertés. Les manifestants ont également contesté la nouvelle loi sur la cybercriminalité qui restreint considérablement la liberté d’expression au nom de la lutte contre les « fausses nouvelles ». Des dizaines de militants d’ONG de défense des droits (humains et économiques) étaient présents.

Le puissant syndicat de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) n’a pas participé à la marche, se contentant de rappeler qu’il est temps d’une « nouvelle approche… pour sauver le pays ».

Kais Saied gère la Tunisie d’une main de fer depuis le fameux coup d’État constitutionnel du 25 juillet 2021 par lequel il avait alors limogé son Premier ministre et gelé les activités du Parlement. Depuis, Saied dirige le pays par décrets même si un gouvernement a été nommé et un parlement, dénués de vrai pouvoir.