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« Un seul héros le peuple » : un documentaire pour donner la parole aux acteurs de Décembre 1960

Le film documentaire du chercheur français Mathieu Rigouste est disponible en ligne jusqu’au 15 décembre, à l’occasion du soixantième anniversaire des manifestations de décembre 1960. Twala l’a vu pour vous.


Face à la caméra, des manifestants de l’époque racontent leurs souvenirs de ces protestations populaires qui ont permis l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies d’une résolution qui reconnaissait le droit des Algériens à l’autodétermination et à l’indépendance. Le film « Un seul héros le peuple », du chercheur en sciences sociales français, Mathieu Rigouste, est disponible en ligne jusqu’au 15 décembre.

« C’était un soulèvement de gamins »

Hocine Hamouda, manifestant de décembre 1960

Le projet débute il y a 7 ans. Mathieu Rigouste, 39 ans, explique s’est intéressé au sujet de ces manifestations, car elles correspondent « à la mise en échec du modèle français de contre-insurrection ». Instrumentalisées par différents camps, ces manifestations sont pourtant peu ou mal connues.

Ni poussées par le général De Gaulle, ni lancées par le FLN, mais « c’était un soulèvement de gamins », analyse Hocine Hamouma, chercheur et manifestant de l’époque. « Pour la France, la séquence a été dissimulée comme l’ensemble des crimes de l’État français de cette période. Je trouve 260 morts sur une période de 3 semaines. C’est un massacre d’État, donc il faut en parler », explique le réalisateur.

Ces manifestations arrivent, 6 ans après le début de la Guerre de libération, dans un contexte sécuritaire répressif contre les Algériens. L’armée française, voulant vider les maquis et empêcher toute résistance dans les villes, principalement à Alger, bombarde les montagnes au napalm, empêche les ravitaillements, arrête, torture et guillotine : « En 1960, ma mère et moi avons été arrêtés. Nous avons été séquestrés pendant huit mois », témoigne Aïssa Nedjari. « J’ai grandi à côté de (la prison de) Serkadji. C’était les prisonniers qui criaient pour annoncer les noms des prisonniers condamnés à mort qui allaient être exécutés », raconte un autre homme. « Il n’y a presque aucune famille qui échappe à la répression », résume l’historien Daho Djerbal.

« En écoutant les gens, on réalise qu’il y a un univers d’autres histoires mêlées à celle du 11 décembre »

Mathieu Rigouste, réalisateur

Les témoignages soulignent bien une forme de spontanéité dans le choix de participer aux manifestations. Même si les historiens Ouanassa Siari Tengour et Daho Djerbal tempèrent en expliquant que le contexte révolutionnaire avait travaillé les esprits des plus jeunes.

« Il y avait un brouhaha terrible et des youyous dans la rue, raconte Fouzia Foukroun. A l’époque, les youyous ça ne se faisait pas, parce qu’on était en guerre. Sauf si on entendait que quelqu’un était décédé en martyr. Je vais au balcon. Je vois arriver cette ruée d’hommes, de femmes, surtout des jeunes, et presque au premier rang, je vois mon frère (…). Moi, je veux sortir. C’est très rapide, on ne prend pas le temps de réfléchir et c’est instantanément : j’y vais ».

Le travail de Mathieu Rigouste laisse toute la place aux témoins, qui, pour la plupart d’entre eux n’avaient jamais été interrogés à ce propos. « J’ai travaillé sur les archives et j’y ai trouvé des choses, explique le chercheur en sciences sociales, mais elles ne décrivaient pas les événements avec de la complexité, ni du vécu. En écoutant les gens, on réalise qu’il y a un univers d’autres histoires mêlées à celle du 11 décembre ».

Au fur et à mesure de son enquête, il partage ses découvertes avec les témoins, qui invitent d’autres personnes à se joindre aux discussions : « c’était en quelque sorte une enquête collective. Ces personnes n’attendaient que ça, de parler». Mathieu Rigouste est désormais à la recherche d’un distributeur, pour que le film soit vu au cinéma. Il travaille aussi à l’aménagement d’un camion, pour pouvoir organiser des projections itinérantes en Algérie.