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Annie Steiner, une histoire très algérienne

L’histoire de guerre d’Annie Steiner est atypique à plus d’un titre. Sa manière de raconter cette histoire est profondément enracinée dans les codes politiques et sociaux de l’Algérie post-indépendance.


Photo DR

En juin 2005, j’étais doctorante en Algérie et je cherchais à m’entretenir avec des femmes qui avaient participé à la Révolution algérienne (1954-1962). Lorsque j’avais contacté pour la première fois la moudjahida Annie Steiner par téléphone — son numéro m’avait été transmis par une de ses anciennes sœurs d’armes —, elle a poliment refusé l’entretien. Quelques jours plus tard, je l’ai rencontrée lors d’une cérémonie en l’honneur d’Henri Maillot qui avait déserté l’armée française pour la lutte anticoloniale avec un camion plein d’armes en 1956. Je l’avais approchée et j’avais décidé de tenter ma chance en lui demandant à nouveau si je pouvais l’interviewer… Je pense qu’elle a eu pitié de moi. Annie Steiner a toujours eu une grande empathie pour écouter et échanger avec les jeunes. J’étais jeune (24 ans) à l’époque, et il n’y avait pas beaucoup de chercheurs étrangers en Algérie, ce qui a peut-être piqué la curiosité de Annie Steiner.

Avec Annie Steiner, nous nous sommes rencontrées quelques semaines plus tard dans un café sur la rue Didouche Mourad à Alger. Elle a commencé par me poser les questions de manière délicate, mais incisive — sa formation de juriste ressortait de nos échanges. Qui d’autres ai-je interviewés ? Elle espérait que je ne m’étais pas uniquement entretenue avec les femmes « relativement » connues de la « Bataille d’Alger ». Que vais-je faire des entretiens ? Elle espérait que je n’avais pas l’intention de mettre au premier plan quelques visages célèbres en oubliant que c’était une lutte collective. Annie Steiner était ravie quand j’ai mentionné que la semaine précédente, j’étais allée au village d’Agraradj près d’Azazga pour réaliser des entretiens avec des femmes. Qui allait lire ma thèse de doctorat ? J’avais répondu qu’elle serait écrite en Anglais et lue par deux examinateurs d’une université londonienne, une réponse sans doute très insatisfaisante ! Lors de nos conversations ultérieures, Annie Steiner m’a dit qu’elle tenait à ce que son histoire, si elle devait être publiée, touche surtout un public arabophone.

Six ans plus tard, j’ai lu la série d’entretiens fascinants de Hafida Ameyar avec Annie Steiner. Beaucoup plus détaillée et bien meilleure que mes entretiens, j’ai retrouvé les mêmes préoccupations d’Annie. « Je ne veux pas apparaître comme une personne particulière, différente des autres, même si je le suis » (p. 14). « Nous avons travaillé avec la base, et c’est cette base qui a sauvé le pays » (p. 41). En 2011, une possible explication a justifié pourquoi Annie Steiner était plus disposée à publier ses mémoires que six années plus tôt : « Je m’exprime aujourd’hui pour briser le silence et parler avant tout de celles qui sont mortes » (p. 32). Au cours des 15 dernières années, beaucoup de femmes qui avaient participé à la Révolution sont décédées dont une écrasante majorité n’a pas laissé de mémoire écrite ou d’entretiens enregistrés.

Depuis la mort d’Annie Steiner le 21 avril 2021 à l’âge de 93 ans, de nombreux hommages lui ont été rendus par des amis et d’anciens frères et sœurs d’armes. Plusieurs récits qui relatent son rôle dans la lutte de libération ont été publiés. Le sujet sur lequel je voudrai me concentrer ici, c’est le rapport d’Annie Steiner à sa propre histoire, et sa place dans l’histoire de la lutte anticoloniale et dans la société algérienne au sens large, car elle est emblématique de la place du passé dans les codes politiques et sociaux de l’Algérie post-indépendance.

Algérianité et engagement : Je n’ai jamais je pensais que j’aurais pu vivre autrement

Annie Virginie Blanche Fiorio est née en 1928 à Marengo (Hadjout) à Tipaza. Son père et son grand-père sont d’origine italienne et nés en Algérie. Sa mère est née en France métropolitaine. Annie Steiner n’était pas une « indigène » ou une « Française musulmane » pour reprendre une partie de la terminologie utilisée dans l’« Algérie française » afin d’exclure la majorité de la population de la pleine citoyenneté et nier l’identité « algérienne » des autochtones. Elle n’était pas non plus membre du Parti communiste algérien (PCA) dont provenait la majorité du petit nombre d’Européens qui soutenaient le Front de libération nationale (FLN). En 1955, Annie Steiner avait commencé à travailler pour les « Centres sociaux » qui cherchaient à améliorer l’éducation, la santé et la formation professionnelle des « Français musulmans ». Composés de Français de la métropole aux côtés d’« Européens » et de « musulmans » d’Algérie, ces Centres étaient dirigés par Germaine Tillion, résistante de la Seconde Guerre mondiale et ethnologue. Un certain nombre d’employés des Centres sociaux ont soutenu le FLN de diverses manières. Mais lorsque les Centres ont été créés sous l’impulsion du gouverneur général Jacques Soustelle, la motivation essentielle était d’arrêter la « rébellion » déclenchée le 1er novembre 1954 en s’attaquant à ce que de nombreux libéraux européens considéraient comme étant les causes profondes de la guerre : l’ignorance, la misère, la maladie, niant ainsi sa dimension politique.

Comment et pourquoi Annie Steiner est-elle devenue militante du FLN ? C’est une question qui a fasciné autant les historiens — moi y compris — que les journalistes, car elle n’est pas anodine.  La grande majorité de ceux qui ont un statut juridique « européen » en Algérie n’a pas rejoint le FLN. Ils étaient farouchement contre l’indépendance. Tillion, issue de la France métropolitaine et sympathisante du peuple algérien, a critiqué à la fois les abus de pouvoir français et ce qu’elle considérait comme étant le « terrorisme » du FLN. Même si Annie Steiner n’aurait pas pu le prédire lorsqu’elle a commencé à travailler comme agent de liaison au profit du FLN, son engagement politique aura été un énorme sacrifice personnel. Son mari suisse, Rudolf Steiner, a quitté l’Algérie en emmenant avec lui leurs filles, Édith et Ida, et après l’indépendance, les tribunaux suisses lui ont refusé la garde. « Mes enfants ont été élevés contre moi », m’a-t-elle expliqué. De nombreuses années se sont écoulées avant qu’une relation avec ces enfants puisse être rétablie. Pourtant, quand je lui pose la question « pourquoi », elle me répond aussitôt : « Je suis venue pour beaucoup de raisons. » Plus tard dans notre entretien, elle me présente son engagement comme inévitable : « Je n’ai jamais pensé que j’aurais pu vivre autrement ». Dans un entretien plus étendu, Hafida Ameyar s’attaque également à cette question « en l’absence d’une étude approfondie » (p. 15). 

La biographie d’Annie Steiner renferme des éléments très intéressants. Soutenue par son père arabophone, elle choisit l’arabe comme langue étrangère à l’école au lieu de l’anglais. Elle fréquente le Lycée Duveyrier de Blida qui est à l’époque une « pépinière » de nationalistes. Elle travaille aux Centres sociaux où elle est exposée au quotidien à la misère des Algériens due au colonialisme, et s’intéresse à la politique internationale, notamment la fin imminente des protectorats français en Tunisie et au Maroc, et la défaite retentissante de l’armée française à Diên Biên Phu.

Mais la raison pour laquelle Annie Steiner n’a pas vraiment voulu répondre à la question de savoir pourquoi elle s’était engagée avec le FLN est certainement la plus intéressante des questions. L’interrogation est parsemée d’hypothèses et de pièges. Pourquoi supposerait-on que la population arabe/Amazigh/musulmane d’Algérie soutiendrait la lutte anticoloniale et que la population d’origine européenne ou juive d’Algérie soutiendrait le statu quo colonial ? En quoi cela transforme-t-il un conflit politique en un conflit ethnoreligieux ? En quoi cela définit-il l’Algérianité en termes ethniques ou religieux en excluant des hommes et des femmes comme Annie Steiner ? En même temps, c’est le colonialisme qui en fait une question ethnoreligieuse en déterminant qui a accès ou pas à la citoyenneté française sur la base des catégorisations de religion et d’ethnicité.

Comme le souligne l’auteur ougandais Mahmoud Mamdani : « La réponse au pouvoir est en premier lieu façonnée par l’organisation et le langage même du pouvoir ». Aurait-on pu imaginer en Algérie postindépendance, que la nationalité algérienne serait définie autrement que par le fait de ne pas avoir droit à la pleine citoyenneté française en période coloniale. En d’autres mots, par la possession du « statut personnel musulman » ?

Certes, les députés qui ont voté contre le Code de la nationalité à l’Assemblée populaire nationale en 1963 pensaient qu’une autre définition de l’Algérianité était possible. Parmi eux, il y avait Meriem Belmihoub, Fadéla Mesli, Safia Bazi, des moudjahidates qu’Annie Steiner avait connu en prison, mais aussi Eveline Lavalette, Krim Belkacem et Abdelkader Guerroudj. Le caractère patriarcal du Code de la nationalité était également perceptible : la nationalité est transmise par la lignée masculine — un père et un grand-père nés en Algérie avec un statut personnel musulman. Annie Steiner a néanmoins acquis la nationalité algérienne presque immédiatement en 1963 sur la base d’un amendement au Code proposé par Belmihoub et Guerroudj qui stipulait que les résidents actuels de l’Algérie pouvaient se voir accorder la nationalité algérienne au cas par cas, s’ils pouvaient prouver leur participation à la lutte pour l’indépendance.

Une forme assez courante « d’encensement » des militants d’origine européenne qui ont participé à la lutte anticoloniale dans l’Algérie contemporaine, va dans le sens du fait que « leur contribution devrait être particulièrement reconnue, car ils n’avaient pas à le faire ». À peu près en même temps que mes entretiens avec Annie Steiner, j’ai visité le musée de l’Armée, de l’autre côté de l’esplanade du Maqam El Chahid qui avait à l’époque une section de portraits intitulée « les Français qui ont participé à la guerre de libération ». Elle comprenait une sélection déroutante de Maurice Audin, Fernand Iveton, Henri Maillot, Frantz Fanon et Germaine Tillion. On sent qu’Annie Steiner n’aurait pas aimé voir son portrait accroché sous cette étiquette (ni d’ailleurs Iveton, Maillot, Fanon ou Tillion). Mais je soupçonne aussi qu’elle aurait peut-être souri par le sous-entendu « merci, vous n’aviez pas à le faire ».

Alors qu’Annie Steiner présentait sa participation dans la lutte anticoloniale comme inévitable, « cela allait de soi », elle ne l’a pas utilisé comme base pour prétendre à un quelconque « statut » dans l’Algérie indépendante, ni pour suggérer comment d’autres Algériens devraient la voir comme « une des leurs ». Elle avait une forte conscience de sa positionnalité. Elle s’est identifiée à et a combattu aux côtés d’un groupe de dominés, mais elle était née dans le groupe dominant et avait bénéficié de ses privilèges : « Ce pays, je l’ai gagné », m’avait-elle confiée.

Les histoires dominantes : la beauté exceptionnelle d’un idéal

Après son arrestation en octobre 1956, Annie Steiner est jugée en mars 1957. Condamnée à cinq ans de prison, elle a été transférée à la prison de Barberousse, la première des six prisons où elle a été incarcérée, trois en Algérie et trois autres en France. La solidarité intense entre les femmes nationalistes emprisonnées a été un élément clé de l’histoire d’Annie Steiner, tout comme pour ses anciennes co-détenues. Se tenir ensemble pour émettre des revendications collectives adressées à l’administration pénitentiaire, célébrer le 1er novembre, enseigner des chansons nationalistes comme Min Djibalina aux détenus francophones, apprendre aux prisonnières illettrées à lire et à écrire, jeûner durant le Ramadan qu’elles soient musulmanes ou pas. C’est Annie Steiner, une des détenues les plus âgées malgré qu’elle avait seulement la fin vingtaine, qui eut le dernier mot dans le documentaire de Hassen Bouabdellah (1985), « Barberousse, mes sœurs » :

« Les sœurs, elles étaient jeunes. Baya [Hocine], elle avait 16 ans. Et elle était condamnée à mort. Elles étaient jeunes, et ce qu’il faut qu’on dise, c’est qu’elles étaient belles. Peut-être la beauté de la jeunesse, et la beauté intérieure que dans un idéal, que dans une situation exceptionnelle. C’était une beauté exceptionnelle, que j’emporterai avec moi. »

Sans réserve, ceci est une vision romancée de la vie carcérale, puisqu’elle assume ouvertement sa nostalgie. Elle survole les querelles politiques, les différences de classe et les conflits personnels auxquels fait référence Baya Hocine dans son journal de guerre, qui sont bien évidemment inévitables quand un groupe de personnes très politisées sont incarcérées dans de mauvaises conditions, et dont certains, à l’instar de Baya Hocine, ont une condamnation à mort suspendue au-dessus de leur tête. Dans « Des douars et des prisons » (1991), Jacqueline Guerroudj reconnaît que dans son compte-rendu très positif de la vie en prison, elle a appliqué « les réflexes de survie : enterrer l’intolérable, cultiver le supportable, savourer l’agréable ou le positif, saupoudrer le tout d’un peu d’humour et servir chaud ».

Il y a clairement une explication psychologique pour cette présentation sous une lumière idéalisée de la prison, une façon de rendre les souvenirs pénibles moins dangereux. Mais il y a aussi une explication politique. « Barberousse mes sœurs », produit par la RTA, a été présenté comme une opportunité pour les femmes de « répondre » à un film précédent, également réalisé pour la télévision algérienne, par Hadj Rahim : « Serkadji » (1982). Ce dernier racontait l’histoire des militants du FLN qui ont été emprisonnés et exécutés, mais qui ignorait les histoires des femmes. Les femmes dans « Barberousse, mes sœurs » ont critiqué avec véhémence « Serkadji » dans certains aspects, soulignant ce qu’elles considéraient comme étant ses aspects factuellement irréalistes. Elles ont aussi évoqué le contraste des expériences dans le quartier des femmes et celui des hommes. Elles disaient à un moment où il y avait un sens de l’urgence chez un nombre de moudjahidates que l’oubli public du rôle des femmes dans la lutte pour la libération avait un effet délétère sur le présent des droits des femmes (ce n’est probablement pas une coïncidence que Danièle-Djamila Amane-Minn a commencé sa recherche de doctorat sur les moudjahidates dans les années 1980). Le Code de la famille avait été adopté en 1984, et plusieurs moudjahidates, dont Annie Steiner, l’ont farouchement combattu.

En même temps, même quand elles sont invitées à « répondre » — bien que ce soit dans le cadre de la télévision contrôlée par l’État —, les femmes dans « Barberousse mes sœurs » produisent un message central similaire à celui de l’histoire « officielle ». Les détails peuvent varier, différents acteurs peuvent être amenés dans l’histoire, mais il y a « un seul héros, le peuple » et la guerre est un moment idéalisé de pureté morale et d’unité d’objectif. Ceci nous donne à réfléchir quand nous considérons les façons dont des références péjoratives à « l’histoire officielle » sont utilisées dans le contexte algérien pour disqualifier l’histoire parrainée par l’État comme une glorification vaseuse qui cherche à cacher « la vérité » et à minimiser la contribution des « vrais » combattants au profit des « faux » qui ont pris le pouvoir en 1962. 

Au lieu de penser l’histoire « officielle » comme opposée à celle « populaire » ou à la « contre-histoire », il serait plus utile de réfléchir en termes d’histoire dominante, ou du moins d’une lecture morale dominante du passé, largement considérée comme vraie dans ses grandes lignes au sein de la société algérienne, et à travers différents courants politiques, où les valeurs incarnées par la guerre peuvent être utilisées à la fois par ceux qui détiennent et contestent le pouvoir.

Histoire pour qui et pour quoi? Par le peuple, pour le peuple

Dans l’Algérie contemporaine, pour toutes les références aux « histoires cachées » (« ils nous cachent des choses »), ce qui rend une version du passé « officielle » ou « contestataire » n’est pas tant son contenu, mais qui l’utilise et à quelles fins.

Il est largement admis dans la société algérienne que plus vous parlez de la Guerre, plus vous montrez vos médailles et vos certificats, plus vous assistez à des cérémonies de manière ostentatoire et plus vous cherchez à tirer parti de votre statut à des fins politiques ou matérielles, plus il est probable que vous soyez un faux moudjahid. Le vrai moudjahid ou la vraie Moudjahida est une personne qui ne parle pas de ce qu’elle a fait, ou du moins, elle ne met pas en avant son propre rôle. C’est une personne qui n’assiste pas et n’est pas invité aux cérémonies officielles pour recevoir des médailles. C’est une personne qui a choisi de ne pas demander de pension.

Annie Steiner a rarement assisté aux commémorations officielles. Elle n’a jamais demandé de pension. « Je n’ai pas fait la révolution pour ça… Je ne veux pas donner des leçons aux autres, mais les pensions devraient aller aux moudjahidines qui étaient à 90 % analphabètes ». Les questions qu’elle m’avait posées avant d’accepter la demande d’entretien n’étaient qu’un exemple parmi tant d’autres de sa réticence à se focaliser sur sa personne lorsqu’on évoque la guerre; une attitude commune à toutes les femmes avec lesquelles j’ai réalisé des entretiens.

Lorsque j’ai demandé à Annie Steiner quels étaient ses héros et ses héroïnes de la Révolution, elle m’a répondu : « Il y a un seul héros, le peuple. On rigole maintenant quand on le dit, mais à ce moment-là [pendant la Révolution], c’était profond ». Annie Steiner décrit sa participation au documentaire « Barberousse, mes sœurs » uniquement parce que l’appel à témoins s’est fait par le biais de publicités dans les journaux et la télévision plutôt que par invitations choisies. Ses anciennes sœurs d’armes l’avaient appelée pour la persuader de témoigner. Ce n’est qu’après la projection du documentaire que la plupart des gens du quartier d’Annie se sont rendu compte qu’elle était une moudjahida : « J’étais touché par la réaction des gens dans la rue. Pour la première fois, le quartier savait qui j’étais. Même les gens dans la rue me klaxonnaient. Annie Steiner a continué à donner des conférences dans les écoles et des interviews télévisées occasionnelles.

Ainsi, en plus de sa profonde réticence à parler d’elle-même, Annie Steiner, comme beaucoup de moudjahidates, a rappelé l’importance de la transmission, la nécessité de connaitre l’histoire de la Révolution, et surtout, son message moral et fondamental d’unité et de but commun aux générations comme un élément clé pour se construire en tant que citoyens. Sa manière de raconter son histoire s’incarne par des codes sociaux et politiques partagés concernant les voies “légitimes” et “illégitimes” de parler de la guerre et qui a le droit d’évoquer cette histoire et à quelles fins. 

Alors qu’Annie Steiner remarque que le slogan “Par le peuple pour le peuple” est reçu avec cynisme lorsque qu’il est prononcé par ceux qui détiennent le pouvoir politique, néanmoins, ce sentiment reste profondément ancré dans les modes de pensées populaires quant à qui appartient cette histoire.


[1] Hafida Ameyar, La Moudjahida Annie Fiorio-Steiner : Une vie pour l’Algérie (Association Les amis de Abdelhamid Benzine)

[2] Germaine Tillion, Les Ennemis complémentaires (Paris : Editions de minuit, 1962)

[3] Mahmood Mamdani, Citizens and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Colonialism (Princeton University Press, 2018). P. xiv.

[4] Jacqueline Guerroudj, Des Douars et des prisons (Bouchene, 1991), p. 85.

[5] Danièle-Djamila Amane-Minne, Les Femmes algériennes dans la guerre (Plon, 1991)