Chargement ...

Mali : l’effondrement silencieux qui menace le flanc sud de l’Algérie


Le Mali s’enfonce dans une spirale de crise qui dépasse désormais ses frontières. Alors que la France a appelé, le 7 novembre, ses ressortissants à quitter « dès que possible » le pays, plusieurs autres puissances occidentales – États-Unis, Royaume-Uni – ont pris des mesures similaires. L’alerte traduit une inquiétude croissante face à la dégradation rapide de la situation sécuritaire, y compris à Bamako, jusque-là préservée.

Depuis septembre, les jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, imposent un blocus sur les importations de carburant vers la capitale. En ciblant les convois venus de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, ils ont paralysé une économie déjà exsangue. Le prix du carburant flambe, les écoles ferment, les récoltes s’arrêtent et les coupures d’électricité s’intensifient. Ce blocus, en apparence logistique, constitue en réalité une arme stratégique qui, en étouffant le pays, sape la légitimité du régime militaire et met à nu la fragilité de l’État malien.

La junte du colonel Assimi Goïta, arrivée au pouvoir par deux coups d’État successifs, semble incapable de contenir la menace. L’armée, affaiblie malgré l’appui de mercenaires russes, a perdu le contrôle de vastes zones du territoire. Les remplacements successifs de chefs militaires traduisent l’impasse du pouvoir, désormais concentré sur la seule protection de Bamako. Dans les campagnes, les groupes armés imposent leurs lois, perçoivent des taxes et arbitrent les conflits, transformant progressivement ces zones en un État parallèle.

Le risque d’un effet domino régional

L’érosion du soutien populaire est palpable. Le discours souverainiste, qui avait justifié la rupture avec la France et l’arrivée de la Russie, ne compense plus la misère quotidienne. En frappant les ressources vitales – le carburant, la nourriture, l’énergie –, le JNIM vise le cœur de la stabilité politique. Son objectif n’est pas nécessairement de conquérir la capitale, mais de démontrer l’impuissance du pouvoir et d’affirmer son emprise sur la périphérie.

Au-delà du Mali, les conséquences régionales sont potentiellement dévastatrices. L’effondrement progressif de l’État malien ouvrirait une brèche dans tout le Sahel central et fragiliserait le flanc sud de l’Algérie, en exposant davantage ses zones frontalières aux dynamiques d’instabilité venues du nord malien. Les espaces désertiques du Gourma et de Kidal, faiblement contrôlés, pourraient se transformer en sanctuaires pour des groupes armés cherchant à projeter leur influence vers le Sahara algérien.

Déjà confrontée à la fragilité de ses frontières avec la Libye et le Niger, l’Algérie verrait s’étendre une ceinture d’instabilité à ses portes. La militarisation croissante du Sahel et la compétition entre influences étrangères – Russie, Turquie et puissances occidentales – ajoutent une dimension géopolitique explosive à une région déjà sous tension.

Si le Mali s’effondre, c’est tout le dispositif sécuritaire du Sahel qui vacillera. Un vide stratégique au sud de l’Algérie offrirait aux groupes jihadistes un couloir d’expansion inédit, à la jonction des routes migratoires, du trafic d’armes et du commerce illicite transsaharien. L’absence de réponse à la crise malienne transforme la frontière sud de l’Algérie en une nouvelle zone de fragilité au sein du dispositif sécuritaire sahélien.