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Ferhat Mehenni ou la dérive périlleuse d’un désormais errant solitaire

Abandonné par ses compagnons et happé par des alliances infâmes, Ferhat Mehenni s’enfonce dans une dérive séparatiste qui trahit l’histoire kabyle. Son obstination, désormais solitaire, devient une fuite dangereuse au service d’agendas étrangers.


Le monde autour de Ferhat Mehenni, le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), se vide. Ses anciens camarades de lutte, dans le Mouvement culturel berbère (MCB), puis au sein du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), se démarquent de son projet séparatiste, le fuient, non sans le dénoncer avec énergie.

Chez nombre de ses désormais anciens amis, la dénonciation est assumée publiquement, exprimée avec des mots forts, tranchants et qui actent une rupture irrémédiable et définitive. C’est que Ferhat Mehenni, habitué aux outrances politiques, est allé cette fois-ci loin dans sa dérive.

Cheval de Troie d’États et de forces étrangères hostiles à l’Algérie, Ferhat Mehenni, dont la bêtise politique est inqualifiable, n’arrive pas — ou ne veut pas — prendre conscience, malgré les interpellations itérées de ses amis, que son projet utopique d’indépendance de la Kabylie dessert plus qu’il ne sert cette dernière.

« Par tes actes tu as coupé les liens avec la Kabylie »

C’est cette vérité que Noureddine Ait Hamouda, le fils du colonel Amirouche, chef de la wilaya III durant la révolution d’indépendance algérienne (1954-1962), lui assène dans une lettre d’adieu. Une lettre qui signe le terme d’une amitié longue d’une quarantaine d’années, forgée par un aussi long engagement militant partagé, fait de conquêtes politiques émancipatrices mais aussi d’épreuves les plus dures. Une lettre qui signe la rupture définitive.

« Par ces actes, tu as coupé les liens avec la Kabylie profonde et ses valeurs immuables. Comme dit notre sagesse : “Tamurt Leqbalyel ur tettnuz ur trehan” (la terre kabyle ne se vend ni ne s’hypothèque) », lui assène le président de la fondation Colonel Amirouche. « Comment oses-tu proclamer l’indépendance de la Kabylie à partir de la capitale d’un pays qui nous a colonisés durant 130 ans ? Comment pouvais-tu engager toute une région dans une aventure aussi périlleuse, reniant par là même toutes les luttes menées par la Kabylie de 1830 à nos jours ? », interpelle-t-il encore Ferhat Mehenni, le fils de chahid, dont le père est tombé en martyr durant la guerre de libération.

« La Kabylie qui a rejeté ‘‘la paix des braves’’ de De Gaulle ne saurait accepter ‘‘l’indépendance des lâches’’ ; la mémoire de Cheikh Aheddad, El Mokrani, Lalla Fadhma N’Soumer, Krim Belkacem, Abane Ramdane, Amirouche et de ton propre père ne semblait plus avoir aucune valeur à tes yeux », lui fait savoir Nourredine Ait Hamouda, qui n’ignore pas que son désormais ex-ami a vendu son âme au diable. « La suite a confirmé l’ignominie, la pire des trahisons, marquée par les indicibles alliances de l’opprobre. Te revoir brandir le drapeau israélien dans des manifestations à Paris, soutenu par l’État israélien, le Makhzen marocain et l’extrême droite française, a été un spectacle insupportable. Tu as renié toutes les valeurs de justice, de dignité et de résistance anticoloniale que nous avons portées ensemble ». Nourredine Ait Hamouda signe son adieu à Ferhat Mehenni en lui assénant qu’il le laisse à « ses errances solitaires », préférant lui fidélité « à la mémoire collective ».

« Nous n’avons pas souffert pour devenir l’appendice d’un rêve privé »

La prise de position du fils du colonel Amirouche est la dernière estocade en date portée au président du MAK — elle remonte au 8 décembre 2025. Elle n’est cependant pas la seule. D’autres, émanant de ses anciens amis et camarades de parcours, ont été commises. Toutes sont faites de refus d’accompagner cette dérive dangereuse à laquelle les convie Ferhat Mehenni.

L’écrivain Akli Ourad, auteur du livre à succès De Londres à Jérusalem, terreur promise, qui a connu et fréquenté Ferhat Mehenni dans les années 1980, consacre une prose pour dire son refus, son rejet de la prétendue indépendance de la Kabylie que Ferhat entend proclamer le 14 décembre prochain.

« Il parle d’indépendance comme on parle d’une fuite. Non pas pour sauver un peuple, mais pour s’échapper de lui. Moi, Kabylie d’Algérie, je regarde cette métamorphose comme on regarde un incendie, les flammes sont belles, mais elles dévorent la maison. Je refuse qu’au nom de nos montagnes on incendie notre pays », écrit-il dans un beau texte publié sur sa page Facebook le 6 décembre dernier.

« Je refuse, poursuit-il, qu’on fasse du cœur de l’Algérie un séparé, un interdit, un exil intérieur. Nous n’avons pas souffert pour devenir l’appendice d’un rêve privé. Et celui qui prétend parler pour la Kabylie ne s’adresse plus qu’à son propre reflet. J’ai voulu comprendre la logique de cette déclaration d’indépendance, mais rien ne s’y tient. On brandit la douleur comme un étendard. On additionne certains morts comme des arguments, on fabrique une géographie du malheur pour tracer des frontières qui n’existent que dans l’esprit de l’homme », souligne l’écrivain, avertissant contre la tentative de vendre « l’indépendance comme une guérison… C’est un remède qui coupe la tête pour soigner la migraine ».

Si le verbe chez Akli Ourad paraît douceur — il l’est vraiment —, ce qu’il exprime n’en est pas moins profond. Sans aller jusqu’à être inamical, Ourad jette à la face de Ferhat, comme une volée de bois vert, son refus de cette Kabylie que le président du MAK veut « amputée, réduite à une bannière, à une carte postale identitaire, à un pays imaginaire dont les frontières sont tracées par la solitude d’un homme ».

Dissidences en cascade

Beaucoup de ceux que l’aventure avec le MAK avait tentés l’ont regretté. Y compris ceux que Ferhat Mehenni avait désignés comme dirigeants du Mouvement et qu’il avait nommés « ministres » dans ce qu’il appelle le gouvernement kabyle (ANAVAD). La télévision algérienne a diffusé, début décembre, les témoignages pour le moins accablants de quatre anciens collaborateurs de Ferhat. Des collaborateurs qui ont pris leurs distances avec le MAK et son « propriétaire », après s’être rendus à la vérité quant aux connexions que Ferhat Mehenni a établies avec le Makhzen et Israël notamment.

Les dissidents du MAK interviewés par la télévision ont tous attesté d’une chose : Ferhat Mehenni s’est dangereusement compromis avec le Maroc et Israël, deux pays dont l’hostilité envers l’Algérie est un secret de Polichinelle. Des financements, Ferhat en a reçus, affirment-ils. Et l’affirmation, venant de proches collaborateurs, ne peut souffrir trop de contestation. Zahir Benadjaoud, Mohand Belloucif, Kamel Matoub ou encore Nourredine Laârab — qui furent tantôt cadres du MAK, tantôt « ministres » de l’ANAVAD — ont tous témoigné de ce que Ferhat Mehenni, compromis jusqu’à la moelle, sert des agendas étrangers, élaborés par des officines qui travaillent sinon à la dislocation de l’Algérie, du moins à la plonger dans la spirale de l’insécurité et de l’instabilité.

Beaucoup d’autres militants qui ont fréquenté le MAK à sa naissance et durant ses premières années, lorsqu’il ne proclamait pas encore l’indépendance de la Kabylie mais seulement l’autonomie, ont quitté la baraque dès que Ferhat Mehenni a imprimé une autre trajectoire au Mouvement, celle qu’il enfourche aujourd’hui. Parmi eux, des dirigeants et des cadres de premier ordre.

L’on peut citer les plus connus : Bouaziz Ait Chebib, Hamou Boumedine, qui ont payé leur passage au MAK par de longs mois de prison, ou encore Dr Malika Baraka et bien d’autres. Mais ces retraits et démarcations, qui sont autant d’interpellations, n’ont pas réussi à faire entendre raison à Ferhat Mehenni. L’homme, qui travaille « à structurer le désespoir », pour paraphraser Saïd Sadi, n’écoute et n’entend que sa propre voix et les recommandations des officines étrangères.