Le président américain Donald Trump a concocté un plan de paix pour Ghaza. Exposé en 20 points, le plan, d’abord fuité dans la presse américaine avant que l’administration Trump ne l’assume et le rende public, esquisse, au-delà des questions techniques, des perspectives politiques incertaines. L’échec sera, encore une fois, difficile à éviter.
Le plan de Trump nécessite, pour aboutir, son acceptation à la fois par Israël et par le Hamas palestinien. Or, rien n’est moins sûr. Même le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui semblait trouver le plan convenable, après avoir été travaillé au corps, lundi, par le président américain, s’est réveillé, mardi, avec une autre opinion.
Ce n’est certainement pas la nuit qui lui a porté conseil pour se réveiller moins enthousiasmé que la veille par la proposition de son allié américain. C’est la levée de boucliers de l’extrême droite israélienne, orchestrée y compris par des voix au sein de son gouvernement, qui a contraint Netanyahou à marquer le pas.
« Je n’ai pas accepté du tout un État palestinien », a affirmé, mardi matin, Benyamin Netanyahou, comme pour signifier qu’il émettait une réserve au plan de Donald Trump pour Ghaza. Et la réserve n’est pas d’ordre technique. Elle concerne la « création » de l’État palestinien dont, à l’évidence, le Premier ministre israélien ne veut pas.
Il faut dire que l’extrême droite israélienne reste radicalement opposée à l’existence d’un État palestinien. Pour elle, le plan de Trump ne propose rien d’autre qu’un retour au processus d’Oslo de 1993. Un processus inabouti, faut-il le rappeler.
La position du Hamas, une grande inconnue
Si le gouvernement israélien émet des réserves au plan de Donald Trump pour Ghaza, le Hamas, à qui s’adresse également la proposition américaine, n’en a pas encore fait de commentaire, encore moins tranché une position. Pas de réaction à vif du côté palestinien, donc. Ce qui est tout à fait compréhensible, au regard de certains points du plan américain difficilement acceptables par le Hamas.
Le plan de Donald Trump propose rien moins que la démilitarisation totale et définitive du Hamas, la destruction de l’infrastructure militaire que ce dernier a érigée à Ghaza (ateliers de fabrication d’armes et d’explosifs, tunnels, etc.), mais aussi que le Hamas renonce à gouverner Ghaza ni à en avoir une prétention politique quelconque à l’avenir.
Dit autrement, les Américains proposent purement et simplement au Hamas de Ghaza une autodestruction, en somme. Le mouvement palestinien va-t-il acquiescer à l’offre de paix américaine et accepter de renoncer à tout à Ghaza et à Ghaza elle-même, qu’il gouverne depuis 2007 ? C’est la question que tous les observateurs se posent.
L’anéantissement volontaire exigé du Hamas est posé, dans le plan de Donald Trump, comme le préalable à satisfaire avant la mise en branle de la transition politique et l’engagement de la reconstruction de Gaza, pour qu’en dernière étape intervienne la « création » de l’État palestinien. « (…) les conditions pourraient être enfin réunies pour ouvrir une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien », mentionne le plan de Trump.
Ghaza sous l’autorité politique des USA
Les Américains, qui ont participé à l’intermédiation dans les négociations indirectes passées entre Israël et le Hamas, aux côtés du Qatar et de l’Égypte, prétendent, à travers le plan de Trump pour Ghaza, à une implication dans la gestion de la transition politique dans l’enclave palestinienne, une fois les armes tues. Les Américains se proposent de gouverner Ghaza à travers un « Comité de la paix », un organe international de transition qui sera composé de Palestiniens qualifiés et d’experts internationaux.
« Gaza sera gouverné en vertu de l’autorité transitoire temporaire d’un comité palestinien technocratique et apolitique, chargé de gérer les services publics et les municipalités pour la population de Gaza. Ce comité sera composé de Palestiniens qualifiés et d’experts internationaux, sous la supervision et le contrôle d’un nouvel organe international de transition, le “Comité de la paix”, qui sera dirigé et présidé par le président Donald Trump, avec d’autres membres et chefs d’État qui seront annoncés, dont l’ancien Premier ministre Tony Blair. (…) », propose le plan de Trump (point 9).
Pour sécuriser Gaza, le plan américain propose le déploiement d’une Force de stabilisation internationale (ISF). Le retrait de l’armée israélienne de Gaza se fera, selon le plan, à mesure que se déploiera cette ISF. « Israël n’occupera ni n’annexera Gaza. À mesure que l’ISF établit le contrôle et la stabilité, l’armée israélienne se retirera (…) », préconise encore le plan américain (point 16).
L’Autorité palestinienne, incarnée par Mahmoud Abbas, devra attendre longtemps avant de pouvoir récupérer et gouverner à nouveau Ghaza, une partie du territoire palestinien qu’elle a perdue depuis 2007 au profit du Hamas, qui en a fait une entité politique et administrative à part. Une perspective incertaine, puisqu’il n’est pas dit que le Hamas accepte le plan Trump. Et au cas où il le rejette, Israël promet de « finir le travail ». « Si le Hamas rejette le plan ou s’il dit l’accepter mais fait ensuite tout pour le bloquer, Israël va terminer le travail », a menacé Netanyahou.
Le Djihad islamique, engagé dans la guerre contre Israël, a dénoncé le plan de Trump qui, selon lui, est inacceptable du fait qu’il fait de l’Autorité palestinienne un sous-traitant de sécurité pour Israël. Il est vrai que, dans le plan américain, l’Autorité de Mahmoud Abbas reste périphérique dans le processus de paix proposé pour Ghaza.
Les 20 points du plan Trump
1- Gaza sera une zone déradicalisée et libérée du terrorisme, qui ne représentera pas une menace pour ses voisins.
2- Gaza sera reconstruite au bénéfice de ses habitants, qui ont déjà bien trop souffert.
3- Si les deux parties acceptent ce plan, la guerre s’achèvera immédiatement. Les forces israéliennes se retireront jusqu’à la ligne convenue pour préparer la libération des otages. Pendant ce temps, toutes les opérations militaires, y compris les bombardements aériens et d’artillerie, seront suspendues, et les lignes de combat resteront figées jusqu’à ce que les conditions soient remplies pour un retrait complet par étapes.
4- Dans les 72 heures suivant l’acceptation publique de cet accord par Israël, tous les otages, vivants ou décédés, seront rendus.
5- Une fois tous les otages libérés, Israël libérera 250 prisonniers condamnés à la perpétuité ainsi que 1 700 Gazaouis détenus après le 7 octobre 2023, y compris toutes les femmes et tous les enfants détenus dans ce contexte. Pour chaque otage israélien dont la dépouille sera restituée, Israël restituera les dépouilles de 15 Gazaouis décédés.
6- Une fois tous les otages revenus, les membres du Hamas qui s’engagent à respecter une coexistence pacifique et qui rendront leurs armes bénéficieront d’une amnistie. Les membres du Hamas qui souhaitent quitter Gaza bénéficieront d’un droit de passage protégé vers les pays de destination.
7- Dès l’acceptation de cet accord, une aide complète sera immédiatement acheminée dans la bande de Gaza. Les quantités d’aide seront au minimum conformes à celles incluses dans l’accord du 19 janvier 2025 sur l’aide humanitaire, y compris la réhabilitation des infrastructures (eau, électricité, assainissement), la réhabilitation des hôpitaux et boulangeries, et l’arrivée des équipements nécessaires pour enlever les débris et ouvrir les routes.
8- La distribution et l’entrée de l’aide dans la bande de Gaza s’effectueront, sans ingérence des deux parties, via les Nations unies et ses agences, le Croissant-Rouge, ainsi que d’autres institutions internationales non associées à l’une ou l’autre partie. L’ouverture du passage de Rafah dans les deux directions sera soumise au même mécanisme mis en œuvre dans le cadre de l’accord du 19 janvier 2025.
9- Gaza sera gouverné en vertu de l’autorité transitoire temporaire d’un comité palestinien technocratique et apolitique, chargé de gérer les services publics et les municipalités pour la population de Gaza. Ce comité sera composé de Palestiniens qualifiés et d’experts internationaux, sous la supervision et le contrôle d’un nouvel organe international de transition, le « Comité de la paix », qui sera dirigé et présidé par le président Donald Trump, avec d’autres membres et chefs d’État qui seront annoncés, dont l’ancien Premier ministre Tony Blair. Cet organe établira le cadre et gérera le financement de la reconstruction de Gaza jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne ait terminé son programme de réformes, comme décrit dans diverses propositions, y compris le plan de paix de Trump en 2020 et la proposition franco-saoudienne, et puisse reprendre le contrôle de Gaza de manière sûre et efficace. Cet organe s’appuiera sur les meilleures normes internationales pour créer une gouvernance moderne et efficace qui bénéficie aux habitants de Gaza et favorise les investissements.
10- Un plan Trump de développement économique pour reconstruire et dynamiser Gaza sera créé en réunissant un panel d’experts ayant contribué à la naissance de certaines des villes modernes florissantes du Moyen-Orient. De nombreuses propositions d’investissement réfléchies et idées de projets immobiliers ambitieux ont été élaborées par des groupes internationaux bien intentionnés et seront examinées pour parvenir à un cadre de sécurité et de gouvernance qui attire et facilite ces investissements, lesquels créeront des emplois, des opportunités et un espoir pour l’avenir de Gaza.
11- Une zone économique spéciale sera mise en place, avec des droits de douane préférentiels et un taux d’accès qui doit encore être négocié avec les pays participants.
12- Personne ne sera forcé à quitter Gaza, et ceux qui souhaitent partir seront libres de le faire et de revenir. Nous encouragerons les gens à rester et leur offrirons l’occasion de construire un Gaza meilleur.
13- Le Hamas et les autres factions s’engagent à ne jouer aucun rôle dans la gouvernance de Gaza, directement, indirectement ou sous quelque forme que ce soit. Toutes les infrastructures militaires, terroristes et offensives, y compris les tunnels et les installations de production d’armes, seront détruites et ne seront pas reconstruites. Il y aura un processus de démilitarisation de Gaza sous la supervision de contrôleurs indépendants, qui inclura la mise hors service permanente des armes via un processus convenu de désarmement, soutenu par un programme de rachat et de réintégration financé internationalement, le tout vérifié par les contrôleurs indépendants. Le Nouveau Gaza sera entièrement dédié à la construction d’une économie prospère et à la coexistence pacifique avec ses voisins.
14- Une garantie sera fournie par des partenaires régionaux pour s’assurer que le Hamas et les autres factions respectent leurs obligations et que la nouvelle bande de Gaza ne constitue pas une menace pour ses voisins ou ses habitants.
15- Les États-Unis travailleront avec des partenaires arabes et internationaux pour développer une Force internationale de stabilisation (ISF) temporaire à déployer immédiatement à Gaza. L’ISF formera et fournira un soutien à des forces de police palestiniennes approuvées à Gaza, et sera en contact étroit avec la Jordanie et l’Égypte, qui ont une vaste expérience dans ce domaine. Cette force sera la solution de sécurité interne à long terme. L’ISF travaillera avec Israël et l’Égypte pour aider à sécuriser les zones frontalières, ainsi qu’avec les forces de police palestiniennes nouvellement formées. Il est vital d’empêcher l’entrée de munitions dans Gaza et de faciliter le déploiement rapide et sécurisé des biens pour reconstruire et revitaliser Gaza. Un mécanisme de désescalade sera convenu entre les parties.
16- Israël n’occupera ni n’annexera Gaza. À mesure que l’ISF établira le contrôle et la stabilité, l’armée israélienne se retirera sur la base de normes, d’étapes et d’échéances liées à la démilitarisation, qui seront convenues entre l’armée israélienne, l’ISF, les garants et les États-Unis, dans l’objectif d’un Gaza sécurisé qui ne représente plus une menace pour Israël, l’Égypte ou ses citoyens. Concrètement, l’armée israélienne rendra progressivement le territoire de Gaza qu’elle occupe à l’ISF, selon un accord à conclure avec l’autorité de transition, jusqu’à son retrait complet de Gaza, à l’exception d’une présence dans un périmètre de sécurité qui restera jusqu’à ce que Gaza soit correctement sécurisé contre toute résurgence de menace terroriste.
17- Dans le cas où le Hamas retarderait ou rejetterait cette proposition, les éléments ci-dessus, y compris l’importante opération d’aide, seront mis en œuvre dans les zones libérées du terrorisme remises par l’armée israélienne à l’ISF.
18- Un processus de dialogue interreligieux sera établi sur la base des valeurs de tolérance et de coexistence pacifique afin de tenter de changer les mentalités des Palestiniens et des Israéliens, en mettant l’accent sur les avantages qui peuvent découler de la paix.
19- À mesure que le redéveloppement de Gaza progressera et que le programme de réforme de l’Autorité palestinienne sera fidèlement mis en œuvre, les conditions pourraient enfin être réunies pour ouvrir une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien, que nous reconnaissons comme étant l’aspiration du peuple palestinien.
20- Les États-Unis établiront un dialogue entre Israël et les Palestiniens pour convenir d’un horizon politique pour une coexistence pacifique et prospère.