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Les initiatives diplomatiques inabouties de Tebboune


L’Algérie n’a pas pu intégrer le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), élargi depuis août 2023 à six autres pays (Argentine, Arabie Saoudite, Iran, Ethiopie, Egypte et Emirats Arabes Unis). Et, ce n’est pas faute d’avoir essayer. C’est que l’effort fort enthousiaste du président Tebboune à l’y faire adhérer s’est soldé par un échec patent.

L’admission dans les BRICS devait, plus que tout autre chantier, confirmer la performance de la diplomatie algérienne et, partant, la place retrouvée dans le concert des nations. «L’Algérie nouvelle» du président Abdelmadjid Tebboune devrait être aussi celle des succès diplomatiques. Mais entre le souhait et la réalisation, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Le sommet des BRICS, organisé à Johannesburg du 22 au 24 août 2023, n’a pas retenu la candidature de l’Algérie. Il lui a préféré, s’agissant des candidatures africaines, celles de l’Egypte et de l’Ethiopie. Les parrainages russe et chinois, sur lesquels Tebboune comptait beaucoup, n’ont pas opéré. On sait à travers les coulisses du sommet publiées par le journal indien « The Wire » que l’Algérie n’a pas figuré dans leurs short-list des candidatures à soutenir de la Russie et de la Chine.

Au plan diplomatique, les deux visites d’Etat effectuées par Abdelmadjid Tebboune en Russie d’abord et en Chine ensuite, n’ont donc pas été fructueuses.

L’Algérie l’a vérifié au premier véritable test : les soutiens supposés à sa candidature aux BRICS ont préféré regarder ailleurs. Et le propos du ministre russe des affaires étrangères, Serguei Lavrov, à la clôture du sommet de Johannesburg, n’est pas pour la complimenter. «Le poids, l’autorité et la position d’un pays candidat sur la scène internationale ont été les principaux facteurs pris en considération», a-t-il dit.

L’échec de l’Algérie à entrer dans les BRICS a résonné d’autant plus fort qu’avant le rendez-vous sud-africain, le président Tebboune avait la certitude que tout allait se passer au mieux, convaincu alors d’avoir su rallier les Russes et les Chinois à sa cause. La désillusion a été grande, si grande qu’il a décidé, la mort dans l’âme aussi assurément, de tirer un trait définitif sur les BRICS. Il en fait la confidence aux patrons et directeurs de presse qu’il a rencontrés le mardi 3 octobre 2023.

Des annonces pour nourrir un discours populiste

Depuis Moscou où il avait séjourné à la mi-juin 2023, dans le cadre d’une visite d’Etat, le président Tebboune avait déclaré que son homologue russe, Vladimir Poutine, était d’accord avec la proposition algérienne de mener une médiation dans le conflit russo-ukrainien. Mais les bonnes prédispositions affichées par le souverain russe sont loin de constituer un gage de réussite de l’initiative que l’Algérie voulait entreprendre.

Confrontée aux tergiversations européennes, voire même au rejet de son projet de médiation, l’Algérie s’était retrouvée dans une démarche quasi-solitaire, laquelle, pour d’aussi lourds dossiers, est vouée à l’échec.

Dépêché dans certaines capitales européennes, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf n’a pas réussi à faire adhérer à la proposition de son pays. La tâche a été d’autant plus délicate que l’Algérie venait de signer avec la Russie, une partie du conflit, une «déclaration de partenariat stratégique approfondie».

Les Ukrainiens eux-mêmes ne s’y sont pas montrés enthousiastes. Plus encore, ils reprochent à l’Algérie de n’avoir même pas été compatissante, à titre humanitaire, avec le peuple ukrainien.

C’est le chargé d’affaires ukrainien à Alger, Oleksander Kompaiicts, qui y avait exprimé ce sentiment : «Les autorités ukrainiennes n’oublient pas que l’Algérie a des intérêts importants avec la Russie…on comprend mal pourquoi et on regrette qu’il n’y pas eu de la part de l’Algérie, qui affirme respecter notre souveraineté dans nos frontières de 1991, un soutien au moins humanitaire comme celui qui a nous été apporté par l’Arabie  Saoudite et les Emirats Arabes Unis».

La position ukrainienne, exprimée ici de manière diplomatique par Oleksander Kompaiicts, ne souffre l’ombre d’aucun doute : le pays de  Vlodomyr Zelensky n’accueille pas favorablement l’initiative algérienne. Du coup, cette dernière ne pouvait être que vouée à l’échec. Tout comme l’a  été la tentative de médiation arabe menée sous l’égide de la Ligue arabe et à laquelle l’Algérie avait participé.

Aussi, depuis juin 2023, on n’entend plus parler du projet de médiation algérienne dans le conflit russo-ukrainienne. Le sujet n’est plus évoqué dans la communication officielle.

L’échec est là. Peut-être définitivement consommé. Il était au demeurant prévisible après l’inaboutissement de l’initiative arabe. Les conseillers diplomatiques du président Tebboune n’ont-ils pas évalué avec exactitude les difficultés qu’il y avait à réussir une médiation en période de guerre et dans un conflit où interviennent plus de parties, autres que les deux belligérants directs ?

Abdelmadjid Tebboune était convaincu de la réussite de l’initiative de médiation algérienne. «Nous l’avons fait à maintes reprises vu le poids de la diplomatie algérienne. Il y a toujours du résultat. L’Algérie n’intervient jamais dans une médiation si elle n’est pas sûre du résultat», affirmait-il en mars 2023 dans une interview à Al Jazeera.

De Kiev à Niamey, l’échec recommencé

Le projet de médiation dans le conflit russo-ukrainien étant toujours en souffrance, pour ne pas dire mort et enterré, l’Algérie a repris la même démarche concernant la crise au Niger. Partisane d’une solution politique, contrairement aux pays de la Cédéao qui, un moment, avaient envisagé d’intervenir militairement pour déloger les militaires putschistes et rétablir le président déposé, Mohamed Bazoum, dans ses fonctions, a proposé un plan de sortie de crise, lequel confine en une transition de 6 mois.

La diplomatie algérienne, qui a démarché les parties en conflit au Niger ainsi qu’un certain nombre de pays de la région, a cru avoir réussi, cette fois-ci, le plus essentiel : l’acceptation de sa médiation et la discussion de son plan de sortie de crise. Le département d’Ahmed Attaf a publié un communiqué dans lequel il  a annoncé que la proposition algérienne est acceptée. Le lendemain, les autorités nigériennes ont en apporté un démenti.

Le gouvernement de transition au Niger, mis en place par les militaires auteurs du coup d’état du 26 juillet 2023, a souligné, dans un communiqué public, que «si une rencontre a eu lieu entre les chefs de la diplomatie des deux pays en marge de la 78ème Assemblée générale de l’ONU, aucune décision officielle n’a été prise sur l’initiative algérienne de médiation».  

Pour Niamey, «la durée de la transition devrait résulter des conclusions du Forum National Inclusif». La transition de 6 mois proposée par l’Algérie semble ainsi rejetée.

Le ministre algérien des affaires étrangères devait s’envoler pour Niamey pour entamer les discussions avec les parties nigériennes autour de la proposition algérienne. Il ne s’y est toujours pas rendu, ayant certainement revissé ses plans après le démenti du gouvernement nigérien quant à l’acceptation de la médiation  algérienne.

Les prémices de l’échec de cette médiation sont là. Un autre échec à accroché au bilan diplomatique du président Tebboune.

Palestine : la Déclaration d’Alger mise aux oubliettes

Le 13 octobre 2022, pas moins de 14 factions palestiniennes, dont le Fatah et le Hamas, qui se sont réunies à Alger, à l’initiative de l’Algérie, signèrent une déclaration dite «Déclaration d’Alger» dans laquelle elles s’engagèrent à réaliser la réconciliation inter-palestinienne mais surtout à organiser des élections législatives et présidentielle «d’ici un an». L’année s’est écoulée et aucun calendrier électoral n’et encore arrêté.

S’agissant du retour au processus électoral, interrompu en 2006, après la victoire contestée du Hamas aux législatives, la conférence d’Alger d’unification des factions palestiniennes est, donc, loin d’être une réussite. A l’évidence, pour les responsables palestiniens réunis à Alger, la promesse d’une réconciliation entre les différentes factions, notamment entre le Hamas et le Fatah, n’engagent que ceux qui y ont cru.  

Si l’Algérie a le mérite de les (factions) avoir regroupées à Alger, il n’a pas eu cependant les moyens de les contraindre à respecter leur engagements. Le comité arabe de suivi qui a été mis sur pied s’est avéré inefficient.  La conférence d’Alger d’unification des factions palestiniennes est inaboutie, tant est que ses résolutions sont restées de l’encre sur papier.  

La mise en route de la feuille de route de la «Déclaration d’Alger» est renvoyée aux calendes grecques. Le 32ème sommet de la Ligue Arabe en mai 2023 à Djeddah n’en a pas vraiment fait écho à celui d’Alger du début novembre 2022.