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Reprise au Hamas, Ghaza consentira-t-elle aux noces avec l’occident?

Sous l’impulsion de Donald Trump, un cessez-le-feu présenté comme durable met fin à deux ans d’offensive israélienne à Ghaza. Si l’échange d’otages s’est déroulé sans heurts majeurs, la suite s’annonce incertaine : un plan de transition international, excluant Hamas et Autorité palestinienne, prépare la mise sous tutelle totale de l’enclave jusqu’en 2030.


Sous l’impulsion du président américain Donald Trump, un cessez-le-feu, qui se veut durable cette fois-ci, voire définitif, est instauré à Ghaza, après deux ans d’agression génocidaire israélienne. La première phase du plan Trump, qui a consisté en l’échange d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens, s’est plutôt bien déroulée, du moins sans accrocs significatifs. Cependant, rien ne permet de soutenir qu’il en sera de même pour la suite du processus, lequel doit déboucher, à l’horizon 2030, sur la restitution de l’enclave à une autorité palestinienne « modifiée ».

L’entame de la mise en pratique des autres phases du plan Trump, décliné en 20 points, interviendra, si tout se déroule comme prévu, une fois les 20 otages israéliens en vie et les dépouilles des 28 otages décédés restitués, et, en contrepartie, le nombre convenu de prisonniers palestiniens libérés. Le Hamas a libéré les 20 otages israéliens vivants et, jusqu’au mercredi 15 octobre, il n’a restitué que 9 des 28 dépouilles réclamées par Israël. Le Hamas soutient qu’il lui faut du temps pour les retrouver et les déterrer. Israël s’impatiente et menace déjà de reprendre la guerre. Les USA, garants du processus de paix, sont intervenus pour calmer les ardeurs d’Israël, demandant d’accorder au Hamas le temps de chercher encore.

Démilitarisation du Hamas, un sérieux écueil à surmonter

Avant qu’elle puisse revenir aux Palestiniens, la gouvernance de Ghaza échoira, selon le plan arrêté par la récente conférence de Sharm El-Cheikh, en Égypte, à une administration de transition, « the Gaza International Transitional Authority (GITA) ». Le plan approuvé à Charm El-Cheikh, long d’une vingtaine de pages, prévoit une phase de transition qui ira de 3 à 5 ans. Cette transition sera gérée par le GITA. Elle suppose la démilitarisation totale du Hamas et le retrait définitif de ses combattants de l’enclave.

Pour le moment, le Hamas palestinien ne s’est pas publiquement déterminé par rapport à la demande de son effacement total des scènes militaire et politique de Ghaza. Souscrira-t-il sans rechigner à cette exigence du plan de Trump, reconduite à Charm El-Cheikh, ou fera-t-il de la résistance ? L’interrogation est entière. Cependant, nombre d’observateurs voient mal le Hamas obtempérer à une telle exigence et abandonner Ghaza à une administration et une force internationales.

Après le retrait des forces israéliennes vers la périphérie de Ghaza, suite à la conclusion du cessez-le-feu en cours, le Hamas a vite fait d’y déployer ses forces, évaluées à quelque 7 000 combattants. Un déploiement qui s’est voulu une affirmation de son autorité dans l’enclave et, au passage, un moyen de régler des comptes avec des milices rivales. Les affrontements fratricides ont fait une trentaine de morts, selon plusieurs sources concordantes.

Aucun rôle pour Mahmoud Abbas dans la transition

Si, telle que conçue, la transition à Ghaza exclut la participation du Hamas, elle ne fait pas non plus place à l’Autorité nationale palestinienne présidée par Mahmoud Abbas. Dans la perception américano-israélienne, détaillée à Charm El-Cheikh, tout se fera sans les Palestiniens, qui doivent patienter cinq années avant que Ghaza leur revienne, débarrassée de ses ruines, de ses tunnels et sûrement de son identité moyen-orientale.

Le plan concocté dans la station balnéaire égyptienne prévoit, pour l’administration politique de Ghaza, un Conseil international, composé de 7 à 10 membres, supervisé par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair en tant que coordinateur général et président exécutif. Ce Comité a toute latitude pour agir, que ce soit sur le plan politique, économique ou sécuritaire. Il gouvernera depuis l’Égypte (Al-Arich) ou Doha (Qatar). Le plan prévoit de confier les tâches techniques à des technocrates palestiniens, qui auront à gérer la santé, l’éducation et les municipalités, sous la supervision du Comité international, qui les soumettra à des audits réguliers. Il prévoit aussi un Conseil consultatif local, composé de personnalités palestiniennes de Ghaza et de Cisjordanie. Ce conseil palestinien n’aura aucun pouvoir exécutif.

Une force multinationale sous la direction des USA pour sécuriser Ghaza

Le plan élaboré en Égypte pour la transition à Ghaza prévoit le déploiement d’une force de sécurité multinationale dans l’enclave. Cette force agira sous la direction des USA. Elle aura pour mission d’interdire « toute faction armée palestinienne dans Ghaza durant la période de transition ». Elle aura aussi pour tâche de réorganiser les forces palestiniennes, sous supervision internationale.

En dehors des tâches techniques laissées à des technocrates de Ghaza et de Cisjordanie, la transition à Ghaza est imaginée pour se faire sans l’implication véritable des Palestiniens. Les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire relèveront de la compétence exclusive du GITA. De même en ce qui concerne la nomination des ministres, des chefs de sécurité et des juges. Le GITA et la force multinationale seront les seuls maîtres à Ghaza durant toute la période de transition. Une période durant laquelle il n’y aura aucun processus électoral ni aucune autre consultation locale.

Les pétrodollars pour reconstruire Ghaza

La reconstruction de Ghaza, détruite quasi entièrement par deux années de bombardements israéliens, nécessitera beaucoup d’argent. Il y a un an, il a été estimé qu’au moins 50 milliards de dollars seraient nécessaires. Où trouver l’argent ? Les USA et leurs alliés y ont pensé. Les pays du Golfe, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis notamment, sont sollicités pour ouvrir leurs coffres et faire des dons. Des dons qui iraient dans un fonds dédié à la reconstruction de Ghaza : le Gaza Recovery & Investment Fund.

Aux dons des pays du Golfe devra s’ajouter l’argent d’investisseurs occidentaux ainsi que des prêts garantis internationalement. Le document élaboré à Charm El-Cheikh souligne que les projets de reconstruction doivent se faire « sur un modèle commercial lucratif », c’est-à-dire que les entreprises investissent et partagent les bénéfices. Autrement dit, Ghaza ne renaîtra pas de ses ruines telle qu’elle était, mais aura un tout autre visage, verni à l’occidentale. Donald Trump n’avait-il pas parlé de la « Côte d’Azur orientale » dans son premier plan de paix pour Ghaza ?

Naguib Sawiris pour s’occuper des investissements régionaux pour la reconstruction

L’Égypte, médiatrice avec le Qatar et les USA dans les négociations de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, compte bien tirer profit de ses efforts, ou du moins tient à ne pas rester en dehors de la transition. Tout comme les USA d’ailleurs. Et, sans nul doute, le reste des pays impliqués dans ce processus de paix. C’est à Naguib Sawiris, homme d’affaires égyptien influent, qu’il échoit de s’occuper des investissements régionaux pour la reconstruction de Ghaza. Quant au fonds de reconstruction de Ghaza, il sera présidé par l’Américain Marc Rowan.

Avec ce plan de transition pour Ghaza, ficelé en Égypte, le plan arabe de reconstruction de l’enclave, élaboré pour contrecarrer l’ancien plan suggéré par Donald Trump, s’en trouve totalement évacué. La Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique (OCI), les deux entités qui ont collaboré à l’élaboration du plan arabe, ne pipent mot sur la transition imaginée pour Ghaza et qui n’attend qu’à être mise en œuvre. Les deux organisations n’ont plus la main sur le dossier. L’ont-elles jamais eue ?