Un nouveau cap vient d’être franchi dans la modernisation du secteur financier algérien. Ce mardi 17 août 2025, la Banque d’Algérie a publié l’Instruction n°06-2025, consacrée au cadre juridique et opérationnel des Prestataires de Services de Paiement (PSP).
Un Prestataire de Services de Paiement (PSP) est une entreprise qui permet aux commerçants d’accepter les paiements électroniques, aussi bien en ligne qu’en magasin. Ces acteurs agissent comme des intermédiaires entre les clients et les banques en mettant à disposition une infrastructure technique, des protocoles de sécurité et une conformité réglementaire. Cela garantit la fluidité et la sécurité des transactions. Ils couvrent une large gamme de services : paiements par carte bancaire, portefeuilles numériques, virements, voire solutions intégrées pour les plateformes de e-commerce.
À l’international, des sociétés comme PayPal ou Stripe sont devenues incontournables. Elles facilitent des millions de transactions quotidiennes. Ces services sont rapides, simples et sécurisés pour les entreprises comme pour les particuliers. Mais en Algérie, l’écosystème des paiements électroniques reste encore embryonnaire. L’introduction d’un cadre légal pour les PSP vise justement à combler ce retard. Elle encourage l’émergence de solutions locales capables de répondre aux besoins d’un marché en pleine mutation.
Trois niveaux de comptes pour démocratiser l’accès
L’Algérie affiche encore un net retard en matière de paiements numériques. Selon la Banque mondiale, seuls 16 % des adultes — et à peine 11 % des femmes — ont recours à ce type de services. Ce chiffre est très en deçà de la moyenne régionale, malgré une couverture mobile haut débit jugée satisfaisante.
La nouvelle instruction s’inscrit ainsi dans une stratégie de modernisation entamée depuis 2022. Celle-ci a déjà vu l’adoption du règlement n°25-02 du 14 avril 2025. Ce règlement fixe notamment les conditions d’agrément des PSP, avec un capital minimum exigé de 160 millions de dinars.
La grande nouveauté de ce texte réside dans la structuration progressive des comptes de paiement, désormais divisés en trois niveaux d’utilisation :
- Niveau 1 (jusqu’à 100.000 DA) : Ouverture simple, avec une simple fiche d’identification. Objectif : attirer les populations non bancarisées.
- Niveau 2 (jusqu’à 500.000 DA) : Nécessite des justificatifs d’identité et de revenus, destiné aux usagers réguliers.
- Niveau 3 (jusqu’à 1 million DA) : Implique un entretien en visioconférence et des documents financiers détaillés, réservé aux professionnels et aux transactions importantes.
Cette gradation répond à un double enjeu. Elle vise à faciliter l’inclusion financière des personnes éloignées du système bancaire. Elle respecte aussi les standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Sécurité et transparence au cœur du dispositif
L’instruction met également l’accent sur la protection des fonds des utilisateurs. Les PSP ont désormais l’obligation de séparer les montants déposés par leurs clients dans des « comptes de cantonnement », intouchables même en cas de difficultés financières du prestataire.
La transparence est, elle aussi, renforcée. Chaque PSP devra établir une convention claire avec ses clients, détaillant tarifs, modalités de fonctionnement et mesures de sécurité. Ces informations devront être accessibles en permanence sur les plateformes digitales.
Autre innovation : la reconnaissance officielle du rôle des agents de services de paiement. Ces intermédiaires physiques, chargés de distribuer les services à travers le pays, seront placés sous la responsabilité directe du PSP qui les mandate. Leur encadrement s’inspire du modèle kényan de M-Pesa, devenu une référence mondiale d’inclusion financière grâce à un vaste réseau d’agents.
Des défis persistants
Malgré ces avancées, les défis restent nombreux. Les chiffres du premier trimestre 2023 parlent d’eux-mêmes. Seulement 7,6 millions de transactions électroniques ont été enregistrées, pour un montant de 5,5 milliards de dinars. Des volumes encore modestes, loin du potentiel du marché.
De plus, le seuil élevé du capital requis pour créer un PSP risque de freiner l’entrée des start-ups locales. Cependant, cette exigence vise à garantir la solidité financière des opérateurs.
Cette réforme arrive dans un contexte régional porteur. L’adhésion récente de l’Algérie au système panafricain de paiement (PAPSS) en témoigne. L’organisation prochaine de la Foire commerciale intra-africaine 2025 à Alger montre également la volonté du pays à s’intégrer davantage dans l’écosystème financier continental.