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Koukou Éditions dénonce son exclusion du SILA et un « rapport secret » des services de sécurité


Pour la troisième année consécutive, la maison d’édition Koukou ne participera pas au Salon international du livre d’Alger (SILA), dont la 26ᵉ édition se tient du 29 octobre au 8 novembre 2025. L’éditeur, connu pour ses essais politiques, dénonce une exclusion « sans motif légal » et met en cause un « rapport secret » des services de sécurité.

Dans un communiqué daté du 27 octobre, son directeur, Arezki Aït-Larbi, affirme que la justice algérienne s’est inclinée devant la police politique. Après dix-huit mois d’une procédure entamée pour « atteinte aux libertés, abus et usurpation de fonctions », la Cour d’Alger a confirmé un non-lieu, refusant de renvoyer le dossier devant le tribunal correctionnel. L’éditeur souhaitait qu’un débat public éclaire les raisons de son exclusion du plus grand événement littéraire du pays.

Au cours de l’instruction, le président de la Commission de censure, Tidjani Tama, a reconnu que la décision d’écarter Koukou avait été prise à la demande de la ministre de la Culture, Soraya Mouloudji, à la suite d’un rapport des services de sécurité. Ce document qualifierait les publications de la maison d’édition de « destructrices » et d’« atteinte à l’image de l’Algérie ». Selon Aït-Larbi, le juge d’instruction n’a pas jugé nécessaire de vérifier l’existence de cette pièce, ni d’entendre la ministre mise en cause.

Pour le fondateur de Koukou, cette affaire symbolise une dérive arbitraire et la confusion entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire. Citant l’article 54 de la Constitution, il rappelle que « l’activité des publications ne peut être interdite qu’en vertu d’une décision de justice ». « L’affaire se résume à une lettre de cachet de la police politique, exécutée par un membre du gouvernement, et entérinée par des magistrats, dont les prérogatives constitutionnelles ont été pourtant bafouées », écrit-il, dénonçant une décision administrative sans fondement légal, entérinée par la magistrature.

Chronologie de la censure

Fondée il y a vingt ans, Koukou Éditions s’est imposée comme un acteur majeur du débat intellectuel algérien, publiant des auteurs universitaires, journalistes ou anciens combattants de l’ALN. Ses ouvrages, souvent critiques à l’égard du pouvoir, n’ont jamais été interdits par la justice. L’éditeur assure n’avoir subi de pressions que dans les salons ou les librairies, notamment lors de précédentes éditions du SILA, où des agents avaient tenté de saisir certains titres sans décision officielle.

Une chronologie des incidents annexée au communiqué retrace plusieurs épisodes de censure depuis 2016 : stand saccagé, saisies d’ouvrages, listes noires informelles, retraits de librairies publiques ou interventions policières lors de présentations de livres. Parmi les titres visés figuraient des ouvrages consacrés à des figures historiques comme Djamila Bouhired, Hocine Aït Ahmed ou Mohamed Harbi.

À la veille du 1er novembre, date symbolique du déclenchement de la guerre de libération, Arezki Aït-Larbi estime que les « violations récurrentes des principes fondamentaux de l’État de droit » trahissent l’esprit fondateur de l’indépendance. « Il est temps de restaurer la hiérarchie des normes juridiques, notamment la primauté de la Constitution sur les ‘rapports secrets’’ et les lettres de cachet », assène-il.

Malgré les exclusions et les pressions, Koukou Éditions affirme vouloir rester un espace de liberté intellectuelle dans un paysage culturel où la parole critique demeure étroitement surveillée.