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Les Algériens face à la pandémie : Le rôle essentiel du secteur privé.

Dix mois après l’apparition du Covid-19, on sait encore peu de choses sur l’impact de la pandémie en Algérie. Les Algériens se sont-ils dirigés vers les hôpitaux ou ont-ils tenté de se débrouiller seuls ? Début de réponse avec une enquête menée auprès de 57 personnes contaminées.


Selon les autorités, le 28 décembre, 98 631 Algériens avaient été testés positifs* au Covid-19 depuis le début de la pandémie. 2737 d’entre eux en sont décédés. Selon les données de l’Institut National de Santé Publique, mi-décembre, plus de 170 000 Algériens avaient été mis sous traitement contre le Covid-19. Les soignants avaient exprimé des craintes quant à la capacité de résistance du système de santé face à cette épidémie. Pourtant, neuf mois plus tard, rien ne semble s’être passé comme imaginé.

Twala a interrogé 57 personnes qui ont été contaminées pour tenter de comprendre comment elles avaient choisi de se soigner et pour tenter, à plus long terme, de cartographier l’impact de cette épidémie sur le pays.

A la question « Comment avez-vous su que c’était le Covid-19 ?» , 30% des répondants ont expliqué en avoir été informés par le médecin, tandis que 52 % ont fait des analyses (27% ont fait un test PCR, 16% un test sérologique, 4% un test antigénique** et 5% ont effectué un scanner thoracique). Par ailleurs, 14% des répondants affirment l’avoir « deviné » au vu des symptômes, et 4% ont « déduit » être positif après que l’un des membres de leur famille, aux symptômes similaires, ait été testé positif.

En premier choix, hôpitaux publics et médecins libéraux

Face à l’épidémie, les personnes interrogées semblent avoir fait majoritairement le choix de consulter un professionnel de santé. C’est le cas de 43 des sondés, dont 54% se sont dirigés vers un établissement de santé public et 46% vers un médecin exerçant en cabinet. Aucune personne interrogée n’a indiqué s’être dirigée vers une clinique privée, bien que le choix de réponse soit disponible dans le questionnaire. Les personnes se dirigeant vers un cabinet ont consulté, pour les deux-tiers d’entre elles, un médecin spécialiste. Les facteurs de choix du professionnel de santé, dans le cas d’une contamination au Covid-19, sont, par ordre d’importance, la recommandation, l’habitude, la proximité géographique puis le fait que le professionnel de santé soit un proche.

Cependant, les personnes choisissant d’aller dans un établissement public le font principalement par proximité géographique ou recommandation, tandis que pour celles qui consultent en cabinet, c’est l’habitude qui domine. Malgré le contexte de pandémie, et le fait que 60% des personnes interrogées ont été malades au cours des mois d’octobre et novembre, ce qui peut laisser supposer une bonne compréhension des recommandations sanitaires, seules deux personnes interrogées ont indiqué avoir d’abord appelé leur médecin habituel qui les a orientés vers un médecin spécialiste ou un hôpital.

Un médecin « dans la famille »

Sur l’échantillon de personnes interrogées, 13 répondants ne sont pas allés voir un professionnel de santé. La moitié d’entre eux ont expliqué avoir un médecin « dans la famille » ou être elle-même soignante. Plusieurs personnes ont également répondu « connaître les médicaments » et « n’avoir que des symptômes légers ». Tous les répondants à cette enquête ont été contaminés à partir du mois de mai, ce qui peut expliquer une certaine « connaissance » du virus et de ses symptômes.

« On a appelé un ami de la famille, qui est biologiste, il est venu nous voir à la maison et nous a donné des instructions, qu’on a suivies. Comme nous allions mieux après 10 jours, nous n’avons pas ressenti le besoin d’aller voir un médecin, témoigne Abdelghani, 31 ans, de la wilaya de Béjaia, qui a été contaminé en même temps que sa mère et sa grand-mère. En plus, je n’ai pas vraiment confiance en l’hôpital ». Le jeune homme vit pourtant à une dizaine de minutes d’un établissement de santé publique, mais malgré la peur vis-à-vis de sa grand-mère, il a préféré appeler « quelqu’un de confiance ».

Sur les 43 personnes qui affirment être allées voir un médecin, 39 d’entre elles ont ensuite effectué des analyses complémentaires. Pour 37 d’entre elles, ces analyses ont été faites dans le secteur privé, et ont coûtées moyenne entre 11 000 et 14 000 dinars***. Si le secteur public semble privilégié en première consultation, pour avoir un avis médical, c’est bien le secteur privé qui « confirme » les diagnostiques Covid, aux frais des patients. Le 10 décembre, les autorités ont finalement annoncé avoir conclu un accord avec l’Association des radiologues privés et des représentants de 11 laboratoires médicaux, pour limiter les prix des analyses.


*Les chiffres annoncés quotidiennement par le ministère de la Santé ne tiennent compte que des cas confirmés par des tests PCR. Les cas « mis sous traitement » comprennent également ceux qui n’ont pas fait de test PCR mais dont les symptômes ainsi que le résultat d’un scanner thoracique indiquent une atteinte probable.

** Le test PCR, parfois nommé « test virologique », se fait par prélèvement dans les voies naso-pharyngées, et détecte la présence du génome vital du SARS-Cov-2 dans l’organisme. Le test antigénique, se fait par prélèvement dans les voies naso-pharyngées et détecte la présence du virus dans l’organisme. Ce test est moins performant lorsque la charge virale est basse, mais le résultat est obtenu plus rapidement qu’avec le test PCR. Le test antigénique se fait par prélèvement sanguin, et détecte la présence d’anti-corps contre le virus. Ce test permet de savoir si le patient a déjà été contaminé par le Covid-19, mais il ne permet pas un diagnostic lors de la phase dite « aigüe ».

*** L’une des réponses semblait anormalement haute. Nous avons donc calculé la moyenne haute en maintenant la donnée saisie par le répondant, soit 14 000 dinars, et une moyenne basse, en ôtant un 0 au nombre initialement saisi par le répondant, soit 11 000 dinars.


Pour cet article, Twala a interrogé 57 personnes, par le biais d’un questionnaire en ligne, remplit sur la base du volontariat. Le profil des personnes interrogées est le suivant : 57% des répondants étaient des femmes, 43% des hommes ; 40% ont entre 26 et 40 ans, 30% entre 41 et 60 ans, 13% entre 61 et 70 ans, 11% entre 19 et 25 ans et 5 % plus de 71 ans ; 23 personnes résident à Alger, 6 à Sétif, 5 à Oran, 4 à Tizi-Ouzou, 3 à Djelfa, 2 à Jijel, 2 à Msila, 2 à Médéa, 1 à Chlef, 1 à Béjaia, 1 à Batna, 1 à Ain Témouchent, 1 à Mostaganem, 1 à Annaba et 4 n’ont pas précisé leur wilaya de résidence.

Si vous souhaitez témoigner, réagir ou apporter des précisions sur l’épidémie de Covid-19, vous pouvez écrire à : leila@twala.info