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« Que fera le missile dans les bras de ma mère ?! »… Chroniques sous les bombardements à Ghaza


Je suis Issam Hani Hadjadj, un Palestinien né dans le quartier d’El Shejayia à Ghaza. J’ai 27 ans et je poursuis des études en littérature anglaise. Depuis 2014, je m’adonne à la poésie et je travaille en tant que formateur en écriture créative pour les enfants à Ghaza. À partir de 2020, j’ai coordonné le projet « Al Modjawara » en collaboration avec l’éducateur Mounir Fachah.

Ce projet représente une alternative éducative aux institutions universitaires et scolaires qui tentent de propager des idéologies nocives à travers leurs programmes d’enseignement en Palestine et ailleurs. J’ai vécu six guerres à l’intérieur de la bande de Ghaza, où de nombreux amis et membres de ma famille ont été tués par l’occupation israélienne, simplement parce que nous défendons notre droit à la vie dont l’occupation nous a privé.

J’écris pour informer le monde de la justesse de la cause palestinienne et des crimes et massacres commis par l’occupation depuis 75 ans. Nous sommes privés de nos droits les plus fondamentaux à la vie et à la sécurité. Je ne peux voyager ni faire entendre notre voix qu’à travers mes mots. J’écris pour que le monde découvre notre histoire authentique, pour révéler que l’occupation déforme notre image à l’échelle mondiale, et pour affirmer notre droit à l’autodéfense.

J’écris depuis la fenêtre qui donne sur le jardin de ma maison, où des palmiers-dattiers laissent tomber leurs fruits sur le sol. Mon grand-père a planté ces arbres il y a bien des années, mais il nous a quittés il y a deux ans, à l’âge de 80 ans. Il était plus âgé que l’occupation  elle-même.

J’aimerais vous dire que mes matins ressemblent à un jardin de jasmin qui enveloppe la maison, mais les bruits que j’entends effacent toute poésie, insufflant la peur au cœur. Ce sont les cris des enfants courant vers les bras de leur mère, croyant que cette large enceinte les protège des avions de l’occupation. Si même la pierre a été détruite, que fera alors le missile dans les bras de ma mère ?

J’aime écrire, car cela me procure le sentiment de tenir le monde entre mes mains. J’ai achevé un recueil de poésie qui n’a pas encore été publié, et je travaille sur un livret portant sur le récit palestinien, expliquant comment exporter la littérature palestinienne à l’international sans la déformer. Si je devais me définir en un mot, ce serait « observateur ». Je réfléchis au passé pour forger une nouvelle compréhension du présent, contribuant ainsi à la création de sens.

Mon ami Mounir Fachah et moi-même collaborons avec divers groupes à travers le monde pour introduire officiellement le projet « El Moudjawara » dans des établissements éducatifs, y compris les universités. Récemment, l’université de Birzeit a donné son accord de principe pour intégrer « El Moudjawara » à une partie de son programme. Au sein de ce projet, nous œuvrons à libérer la pensée, à valoriser notre identité et à encourager la compréhension.

Mon rêve est que mon histoire puisse parvenir au monde entier. Actuellement, je suis coincé à Ghaza, dans le quartier d’El Zaytoun, avec ma famille et celle de ma tante, après avoir été contraints de quitter notre maison à Shujaiya.

Samedi 7 octobre 2023

Les actualités rapportent des menaces de bombardements impitoyables et aveugles de la part des forces d’occupation, qui visent l’ensemble du territoire. Devant le monde, l’occupation prétend qu’elle prévient les civils avant de bombarder leurs habitations, en précisant que chaque cible est liée à la résistance. Cependant, la triste réalité est que la plupart des victimes sont des enfants et des femmes, dont la seule faute est d’être Palestiniens.

Aujourd’hui, nous risquons d’être tués devant les yeux du monde entier pour la simple raison que nous avons défendu notre droit à la vie.

En journée, la situation peut sembler relativement calme, mais elle peut basculer en un instant. La nuit, lorsque les lumières de la ville s’éteignent, les rues s’illuminent de flashs et de flammes. Le laps de temps entre chaque explosion ne dépasse pas cinq à dix minutes. Imaginez le bruit assourdissant de ces explosions nocturnes, qui sont cent fois plus puissantes que celles de la journée, tandis que des personnes vulnérables sont prises au piège de la mort.

Dimanche 8 octobre 2023

Certains d’entre nous ont survécu, d’autres ont péri, mais leurs souvenirs perdurent. Une nouvelle journée de brutalité s’annonce. L’armée israélienne envoie des messages aux Palestiniens de Ghaza, leur demandant de se réfugier dans des abris, tout en proclamant devant le monde qu’ils sont traités de manière humanitaire. Cependant, peu de gens savent qu’il n’y a pas d’abris à l’intérieur de Ghaza, ce qui oblige les habitants à se réfugier dans les écoles de l’UNRWA, qui sont également prises pour cibles lors des bombardements. L’armée ordonne aux habitants de se rendre au centre de la bande de Ghaza à 16 heures, pour ensuite bombarder cette zone pendant la nuit, avant de demander aux gens de sortir de leurs maisons, les exposant ainsi à de nouveaux bombardements au centre de la bande de Ghaza. Quelle est cette folie ? Quelle terreur l’occupation tente-t-elle d’insuffler dans le cœur des enfants et des mères ?

Lundi 9 octobre 2023

Une étrange odeur emplit l’air, et j’ai la sensation que mes poumons pourraient exploser à tout moment. Mon corps tout entier est assailli par des douleurs inhabituelles, signe que nous sommes en train de subir une attaque au phosphore, une substance internationalement interdite. Encore une fois, l’armée israélienne exige que les habitants de la bande de Ghaza quittent le territoire pour se rendre en Égypte, tout en bombardant simultanément le point de passage de Rafah. Plus d’eau, d’électricité, d’Internet, et le centre-ville, où se trouvent les biens essentiels, a été entièrement détruit. Toute aide humanitaire est suspendue, tandis que le monde demeure silencieux face à ce massacre.

D’ici, nous disons au monde : Vous ne réalisez peut-être pas que nous avons le droit de nous défendre. C’est un droit que nous possédons depuis le début de l’occupation sioniste, qui a commencé à nous tuer, à nous déplacer et à nous priver de notre terre en 1948.

Les dirigeants du monde en sont conscients, et ils portent aussi leur part de responsabilité dans cette occupation. Certains comprennent la situation, tandis que la majorité reste ignorante de la réalité des faits, mais cela ne nous empêche pas d’exercer notre droit à l’autodéfense, quelle que soit la situation.

Mon grand-père, qui a planté les palmiers devant notre maison avant de s’éteindre, refusait de quitter la maison à chaque attaque contre la bande de Ghaza, et nous ne partirons pas non plus de force.

Mercredi 11 octobre 2023

Il est dix heures du soir, mon frère et moi sommes étendus au sol près des marches de la maison, la porte légèrement entrouverte pour laisser entrer un peu d’air afin d’apaiser nos esprits.

Il est dix heures, signifiant que l’intensité des bombardements commence à augmenter, et les bruits sont encore plus assourdissants que pendant la journée. Au loin, nous percevons des cris, peut-être ceux de civils dont les maisons ont été touchées, ou de personnes fuyant leurs domiciles pour se réfugier dans la rue ou dans une autre maison qui risque d’être bombardée par la suite.

Je médite à voix basse, me demandant comment le monde peut comprendre la signification de l’agression sans l’avoir vécue. Je me souviens d’une amie qui était venue à Ghaza avec une délégation étrangère pendant l’agression de 2014. Nous lui avions parlé de la brutalité des sons que nous entendions, de l’horreur des meurtres et du sang versé, mais elle ne pouvait pas vraiment l’imaginer. Ce n’est que lorsque nous lui avons parlé de la peur d’aller aux toilettes pendant la guerre et de la crainte pour notre chat à cause des bombardements qu’elle a commencé à ressentir un peu la dureté de l’agression. Car même la mort et la douleur ont leurs propres normes.

Depuis huit mois, j’essaie d’économiser de l’argent pour voyager et poursuivre mes études de master, dans l’espoir de bâtir un avenir meilleur pour ma famille et pour moi. J’ai réussi à économiser seulement 500 dollars au cours de ce mois. Cependant, en une seule journée, tout a basculé, et mon rêve de voyager et d’étudier s’estompe peu à peu. À présent, ma seule préoccupation est de sortir vivant de cette agression. Je commence à puiser dans mes économies pour survivre, et mon rêve semble s’effriter devant mes yeux.

Ce monde est impitoyable, malgré toutes les lois et réglementations mises en place. Désormais, il est nécessaire de maîtriser des normes et des langages spécifiques pour que les autres puissent comprendre votre douleur, pour qu’ils saisissent qu’il y a de l’espoir à sauver dans cette partie du monde qu’ils sont en train de détruire. Renommer la douleur à sa guise revient à dépouiller l’humanité de son essence et à la conformer à un moule plastique imposé par le monde moderne.

Jeudi 12 octobre 2023

Après de nombreuses tentatives pour dormir et surmonter le bruit des explosions, le froid pénétrant nous réveille, nous rappelant que nous ne devons pas manquer une nouvelle frappe. Une autre tragédie s’est produite dans les Tours El Karama à Ghaza. Les gens appellent les ambulances, mais la zone est encore sous les bombardements. Les nouvelles font état de personnes brûlées sans assistance médicale, alors que les bombardements se poursuivent, avec des obus au phosphore blanc et des roquettes assourdissantes qui dévastent nos corps.

En ce moment, frissonnant de froid et ressentant une douleur lancinante dans la poitrine, tandis que les bombardements se poursuivent dans la rue Rachid, je pense à la mer. Chaque hiver, une douleur dans ma poitrine persiste, et je n’ai jamais réussi à l’expliquer malgré les nombreuses analyses médicales. La rue Rachid, qui donne sur la mer et qui est communément appelée la corniche représentant le seul souffle d’air pour les habitants de Ghaza, est durement touchée par les bombardements.

Avez-vous une mer ?

Le café près de la mer, qui a été le lieu de rendez-vous de mes amis pendant des années, témoin de nos rires, de nos pleurs, de nos discussions animées, est bombardé. C’est là que les amoureux se rencontrent en secret, où l’on apprend pour la première fois à tenir la main de sa bien-aimée, mais il est aujourd’hui la cible des bombardements.

Entre chaque mot que j’écris, une nouvelle explosion retentit. Pendant que j’écris, je reçois un message de mon ami Mohammed de Nusairat, m’informant que quatre maisons autour de la mienne sont menacées de bombardement et que tout le quartier a été évacué. D’une minute à l’autre, la mort ou le déplacement peuvent survenir. Et notre amie se demande : qui a transformé les écoles en abris ?

Les écoles, bien que destinées à l’éducation, en particulier les écoles de l’UNRWA vers lesquelles la population se dirige, représentent une autre facette de l’occupation intellectuelle et de la discrimination. Les programmes scolaires sont empoisonnés, empêchant les élèves de manifester leur solidarité avec la cause palestinienne de quelque manière que ce soit. L’occupation ne se contente pas d’exercer une domination militaire, elle cherche également à exercer un contrôle intellectuel visant à éradiquer progressivement la présence palestinienne.

75 ans d’occupation. Je suis né en 1996, et je n’ai pas cédé à l’endoctrinement intellectuel de l’occupation.

Vendredi 13 octobre 2023

 Le 10 octobre, c’était l’anniversaire de ma mère. Depuis notre déplacement de la maison de Shejayia, elle est assise sur une chaise. Lors de son anniversaire, elle a prononcé ces paroles : «Si toutes les mères perdent leurs fils, qui restera pour défendre cette terre ? ».  

Ses mots résonnent dans ma mémoire, rappelant les conseils qu’elle nous donnait : « Fais tes ablutions avant de sortir de la maison, on ne sait jamais ce qui peut arriver ». Ma mère a depuis longtemps confié son destin à Dieu, ce qui explique ma force mentale face à ce qui se passe. Je ne nie pas la gravité de la situation. La mort est partout, les cris retentissent dans la ville, et la pénurie de sacs mortuaires est devenue une réalité. Nous savons néanmoins que les pays arabes en enverront davantage.

Nous sommes confrontés à un génocide sous les yeux du monde, et tout ce que je veux dire, c’est que le spectre de la culpabilité vous hantera alors que nous sommes sous la protection de Dieu.

La fille de ma cousine a essayé de chasser la morosité qui nous entoure en apportant un gâteau d’anniversaire, tout en respectant la sacralité de la mort. Je m’inquiète de voir le gâteau couvert de cendres, car nous aimons la vie et résistons à la mort malgré les circonstances

Samedi 14 octobre 2023

Nous sommes actuellement chez ma tante, dans la maison où nous avons déménagé pour échapper à l’agression sur Ghaza. À tout moment, les cris de femmes et d’enfants dans les rues nous parviennent comme une bête qui dévore nos âmes. À quatre heures de l’après-midi, l’armée a ordonné à la famille de nos voisins d’évacuer leur maison, mais aucune frappe n’a eu lieu après des heures de tension. Il s’agit d’un piège, d’une guerre psychologique visant à effrayer les familles en les forçant à quitter leurs foyers et à semer la terreur dans leurs cœurs, les incitant à détester cette terre et à l’abandonner à jamais.

Il est huit heures du soir. Nous avons effectué la prière d’El Icha en groupe en entendant les cris des enfants et des femmes dans la rue. Le fils de ma cousine a ouvert la porte de la maison précipitamment. J’ai interrompu ma prière et regardé à gauche, découvrant dix enfants dont les pleurs déchiraient nos cœurs.

L’une des petites filles sanglotait amèrement, et lorsque nous lui avons demandé naïvement ce qui n’allait pas, elle a dit que sa chaussure était tombée dans la rue alors qu’elle fuyait pour sauver sa vie, et qu’elle voulait la récupérer.

À cet instant, j’ai pleuré, car comment pouvions-nous expliquer à une enfant que la situation était bien plus grave qu’une chaussure perdue, et que nous ne pouvions pas sortir pour la récupérer ? Comment lui dire que nous pourrions en acheter une nouvelle, mais qu’elle est irremplaçable ? Comment pouvions-nous lui faire comprendre que le monde nous a abandonnés et nous a laissés mourir ?

Dimanche 15 octobre 2023

En 2000, le destin m’a permis de rencontrer un des combattants assiégés dans l’église de la Nativité. Cet homme avait une compréhension aiguisée de la situation, et ses paroles étaient éloquentes. Il avait une conscience aiguë de la trahison des régimes arabes. Après le siège de l’église, Israël envisageait de faire partir tous les assiégés vers des pays européens, mais Abou Ammar (Yasser Arafat) a refusé. Bien qu’ils fussent nombreux, 100 d’entre eux ont finalement été expulsés. La scène était déchirante, la cour de l’église était jonchée de cadavres de martyrs, ils avaient mangé des feuilles d’arbres et n’avaient pas bu pendant des jours.

Nous avons essayé de dormir un peu pour permettre à nos corps de se reposer, en prévision d’une éventuelle fuite. Nous nous endormons au son des obus et nous nous réveillons également au son de leurs explosions. Peu de temps après la prière de l’aube, le jeune homme et sa famille ont quitté la maison, et la petite fille s’est précipitée dans la rue pour retrouver sa chaussure qui avait glissé de son pied la veille pendant la fuite.

L’armée israélienne a demandé, par des circulaires imprimées, aux habitants du nord de Ghaza, qui sont au nombre de 1,01 million de Palestiniens, de se diriger vers le sud, au-delà de la vallée. La situation est effrayante, car personne ne sait si c’est de l’intimidation ou si nous revivrons une catastrophe que nous avons déjà connue. Lorsque l’Intifada avait demandé aux habitants de Shejayia en 2014 de ne pas partir, nous avions été témoins des pires massacres, mais la douleur nous a apporté ses enseignements.

Nous vivons la tragédie du déplacement depuis 1948, sous les yeux du monde. Le monde semble unanime contre nous, comme s’il cherchait à se venger. Pourquoi cette négation de notre situation ? Pourquoi l’absence de réaction internationale et arabe ?

Ô Dieu, je me languis du poète Mudafar el Nawab et de ses mots puissants, même s’ils étaient tranchants, car ils apaisaient quelque chose en moi, ou peut-être atténuaient ma colère.

Les systèmes sont corrompus, les peuples sont démunis aujourd’hui, mais ils ont le pouvoir de changer la donne. L’Histoire importe peu face à la question que Dieu pose : « Qu’as-tu fait ? ».

Lundi 16 octobre 2023

Le tourbillon de la fuite nous emmène chaque jour vers un nouvel endroit, et comme l’a dit Amer Halehal dans le monodrame « Tah » sur la fuite des Palestiniens en 1948, « nous mangeons, nous buvons et nous dormons, mais nous ne voulons pas manger, boire et dormir, nous voulons revenir».  Tah est revenu du Liban en Palestine, même si le prix du retour était la mort.

Après que l’armée israélienne a ordonné aux habitants de Ghaza de se déplacer du nord au sud, au-delà de la vallée, la situation s’est intensifiée hier. Les gens ont quitté leurs maisons, et nous les avons suivis comme ils le demandaient. Sur le chemin, plus de cent personnes ont perdu la vie sous les bombardements. Nous sommes arrivés dans une maison du sud, portant une colère et une tristesse inexprimables dans nos cœurs, assis sur des chaises en éponge. Après un moment, j’ai dit à voix haute : « Je suis arrivé jusqu’ici (en montrant mon nez), mais demain je retourne à la maison ». Ma mère a répondu : « En 1948, ceux qui sont restés le sont toujours à ce jour, leur but était l’intimidation ».

Mardi 17 octobre 2023

 Je n’ai pas peur de la mort, et si le missile doit venir, qu’il soit impitoyable et ne laisse aucune trace de moi. La vie est devenue étroite, et si l’on laisse la peur s’installer en soi, elle nous dévore de l’intérieur, circulant dans nos veines comme un poison.

Nous ne voulons pas combattre, nous ne souhaitons ni la mort ni le sang versé, mais le monde ne nous a pas laissé le choix. Nous abandonnerons nos pensées, tous les écrits et les vœux qui sont sortis de nos poitrines mais qui sont restés coincés dans les conversations.

Il est impératif que ceux qui restent en vie comprennent que le monde occidental, ainsi qu’une grande partie du monde arabe, ne comprennent pas la réalité de notre situation ni le déroulement des événements.

Je vous appelle à lutter contre la pensée coloniale qui sévit dans nos esprits arabes, pour que la poussière soit dissipée. Comprenez l’occupation intellectuelle et comment les mots sont manipulés. Un seul mot mal compris peut arriver aux peuples avec un sens qui sape notre droit

Les pays qui prônent la liberté d’expression sont parmi les premiers à interdire à leurs peuples de soutenir Ghaza et la Palestine, bien qu’ils sachent que leurs dirigeants sont responsables de notre situation, car ils ont implanté Israël au Moyen-Orient. Nous avons été témoins de nombreuses morts, et il n’y a plus de place pour la peur de la mort. Aujourd’hui, ce que nous craignons le plus, c’est le sentiment de vivre.

Mardi 17 octobre 2023 (2)

Cet entêtement les tue, cela les pousse à la folie, comment un peuple peut-il aimer son pays au point d’accepter la mort, comment peuvent-ils sacrifier leurs vies pour dire « non » face à l’injustice.

Des pourparlers sont en cours depuis quelques jours pour une trêve humanitaire afin de permettre l’entrée de fournitures alimentaires et médicales dans le territoire. À chaque fois que le peuple espère l’ouverture du point de passage de Rafah pour l’arrivée de l’aide, l’occupation bombarde violemment le passage et toutes les routes y menant. Il y a une pénurie de fournitures médicales, et l’occupation demande également l’évacuation des hôpitaux. Tout indique que l’occupation cherche à humilier le peuple palestinien. Où iront les hôpitaux ? Où iront les blessés et les malades ? Quelle catastrophe nous attend si nous le faisons ? Nous sommes déjà sous une attaque brutale.

Hier, le ministère de la Santé a ouvert des fosses communes, les morts sont enterrés sans être identifiés, leurs familles sont sous les décombres et personne ne les a reconnus car ils sont en morceaux, et nous nous approchons d’une catastrophe environnementale et de la propagation des maladies. La première fosse commune a accueilli 75 personnes et la deuxième 35. Tous ceux qui sont morts sont innocents. Nous sommes innocents. Le peuple palestinien est confronté à un génocide.

Mercredi 18 octobre 2023

Mon amie affirme qu’octobre est traditionnellement le mois des amoureux. Les journées passent de la chaleur étouffante aux brises fraîches, et quand nous sortons le soir pour passer du temps entre amis, nous emportons de quoi nous réchauffer, car les nuits sont deviennent glaciales. Ceux qui oublient de se préparer à la fraîcheur se blottissent les uns contre les autres jusqu’à ce que chacun retourne chez soi pour se mettre à l’abri, derrière des murs protecteurs.

Mais cette année, la nuit a été particulièrement éprouvante, l’armée d’occupation a malheureusement transformé ce mois d’octobre, dédié aux amoureux, en un mois de tueries ayant touché mes amis.

Hier soir à sept heures, l’occupation a bombardé l’hôpital El Maâmadani à Ghaza, tuant plus de 500 personnes et en blessant des milliers. Parmi les morts se trouvait mon ami, Mohammed Qariqa, un grand homme au visage aimable, ses œuvres d’art dénonçaient la brutalité de l’occupation. Mohammed est sorti de sa maison à Shejaiya pour se réfugier de l’attaque, il a laissé toutes ses œuvres d’art à la maison, il a laissé son âme là-bas et il s’est déplacé, ne sachant pas que la mort l’attendait.

L’occupation nie le massacre et prétend que le Hamas en est responsable, mais l’ampleur des destructions à l’hôpital est évidente et prouve qu’ils sont les auteurs du bombardement, personne d’autre ne pourrait le faire.

La dignité a disparu du visage du monde alors qu’il regarde ce qui se passe. L’unité arabe et l’humanité ont été asséchés des cœurs, et même les organisations des droits de l’homme sont devenues inutiles car le Palestinien n’est pas considéré comme un être humain à leurs yeux.

Maintenant, les jeunes tombent amoureux à Paris, Berlin et Barcelone, Mohammed n’était dans aucune de ces villes, il était à l’hôpital El Maâmadani pour dire au monde que ses œuvres d’art témoignent qu’octobre est le mois de « la mort. »