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Peut-on chiffrer les pertes algériennes durant la période coloniale ?

S’il est déjà très compliqué de compter les morts des événements récents, comment peut-on le faire pour une période de colonisation aussi longue, éloignée et complexe ? La focalisation sur les violences immédiates et leurs conséquences ne masque-t-elle pas le vrai débat sur la colonisation, sa nature et son impact sur notre société ? L'historien Hosni Kitouni aborde ces questions dans cette contribution.


Reccueillement populaire devant les cercueils des restes de 24 combattants de la révolte populaire contre le colonisateur français, le 4 juillet 2020 à Alger | Photo: Samir Sid.

Les controverses sur les pertes dues à la guerre ont de tout temps opposé les belligérants durant et après la fin des conflits. Grossir leur nombre ou l’amoindrir pour s’en vanter ou s’en plaindre sont des actes politiques souvent sans conséquence sur la réalité des faits. La première controverse de ce genre ayant opposé les Algériens et les Français concerne les massacres du 8 mai 1945. Les autorités françaises n’ont jamais admis le nombre de 45 000 morts, comme plus tard, après la répression du 20 août 1955, ils ont rejeté celui de 12 000 morts et de 1,5 million revendiqués par le FLN après 1962. Des historiens tels que Charles Robert Ageron[1] et Guy Pervillé[2] ont même cherché à minimiser ostensiblement ce dernier chiffre. Étrange retournement de situation, alors que durant la guerre, les dépêches dithyrambiques des deux camps annonçaient leurs victoires à coups de chiffres surestimés des pertes ennemies.