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Raouraoua, le ballon rebondissant

Se faufilant entre football, médias et culture, Mohamed Raouraoua est surtout un homme d’affaires, rebondissant comme un ballon sauteur. Ce fonctionnaire devenu commerçant avant d’entamer une longue carrière dans les instances du sport roi, cache des secrets suisses depuis qu'il était à l'ANEP.


L’ancien président de la Fédération algérienne de football (FAF), Mohamed Raouraoua, détenait un compte millionnaire à la banque Crédit suisse. C’est ce que révèle le listing obtenu par Süddeutsche Zeitung (SZ) et partagé avec The Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et des médias partenaires dont Twala.

Personnage haut en couleur, se faufilant entre football, médias et culture, Raouraoua est surtout un hommes d’affaires. Entre ses débuts de fonctionnaire au ministère de l’information et de la culture à l’époque du Parti unique et son apparition fracassante en 2001 en tant que président de la Fédération algérienne de football (FAF), Raouraoua s’est enrichi et a aiguisé son entregent dans le monde impitoyable des médias.

Il avait 32 ans quand il a été titularisé dans le corps des conseillers culturels par un arrêté ministériel de janvier 1978 alors qu’il dirigeait le Centre de culture et d’information (CCI) d’Alger qui gérait, entre autres, les salles Atlas et El Mouggar–les CCI créés en 1968 et qui constituaient les services extérieurs du ministère de l’information ont formé, plus tard, l’Office national de la culture et de l’information (ONCI). En avril 1982, Raouraoua devient directeur de coordination des échanges au ministère de l’information.

En 1984, il est désigné directeur de la télévision au sein de la RTA (Radiodiffusion-télévision algérienne) pendant une petite parenthèse avant d’être nommé, la même année, directeur général de la SN.ANEP (Agence nationale d’édition et de publicité), qui gérait le portefeuille publicitaire de l’opérateur public. Il y est resté plus de dix ans.

Raouraoua a survécu à la réforme du secteur marchand de l’Etat, transformant les entreprises socialistes à caractère économique en entreprises publique économiques en 1990. Et, il n’a quitté son poste à l’ANEP qu’en 1995. Il a été limogé par le général Mohamed Betchine, conseiller spécial du président Liamine Zeroual, en 1995. Puis il est allé conseiller le milliardaire saoudien Abdullah Saleh Kamel, propriétaire du conglomérat Dallah Albaraka qui possède la banque Albaraka et qui venait de créer le groupe médiatique ART (1993).

Raouraoua est devenu client de Crédit Suisse quelques temps avant son éviction de l’ANEP en 1995.

En 1999, Mohamed Raouraoua a créé une société qui s’appelle Eurogerm Algérie pour importer des produits agroalimentaires. C’était juste avant sa réapparition sur la scène publique en tant que président de la Fédération algérienne de football (FAF), en 2001. Il n’avait alors dirigé aucun club de football avant d’être intronisé à la tête de la plus haute instance du sport roi en Algérie.

En février 2002, le président Abdelaziz Bouteflika l’a désigné commissaire de l’année de la culture algérienne en France « Djazair 2003 », en remplacement de feu colonel Hocine Snoussi, un ancien du MALG qui dirigeait l’Office Ryadh Al-Feth (OREF) dans les années 1980.  

Pendant son premier mandat à la tête de la FAF, Raouraoua a eu plutôt à gérer les deux milles évènements culturels de « Djazair 2003 » que de s’occuper du football national. Et, cela n’a pas manqué de susciter la polémique, notamment au sujet du budget peu clair de la manifestation décidée par Bouteflika et son homologue français Jacques Chirac. Contraint de céder son poste à la FAF en 2005, il ne le retrouve qu’en 2009, au bout du mandat de son successeur Hamid Haddadj. 

Mais, Raouraoua est devenu client de Crédit Suisse avant son éviction de l’ANEP. Ouvert en janvier 1995, son compte est resté ouvert jusqu’au mois de juin 2013. Il était pourvu de 2,7 millions de francs suisses au moment de sa clôture. Le compte bénéficiait également à ses deux fils, Youcef et Abdelkader.

Ce dernier est le directeur général de l’entreprise Algiers Business Centers (ABC) qui possède « Le Ksar », un ensemble immobilier de 23000 mètres carrés répartis sur 12 étages de bureaux, 3 sous-sols de parking et un bâtiment annexe de 3 étages, situé au quartier d’affaires de Bab Ezzouar. Raouraoua et ses deux fils sont actionnaires dans cette entreprise, aux côtés de Natixis. Cette banque, qui a financé la construction dudit « Ksar » par un crédit, en est le principal locataire.     

Bref, les deux mandats de Mohamed Raouraoua à la tête de la FAF entre 2009 et 2017 l’ont carrément propulsé sur la scène internationale. Il a réussi à fédérer ses pairs au congrès de la FIFA à Nassau (Bahamas) en 2009 pour abolir la limite d’âge pour les joueurs binationaux désireux de porter les couleurs du pays de leurs parents. Grâce à son lobbying, la porte de l’équipe nationale a été ouverte à des joueurs comme Mourad Meghni, Hassan Yebda, Djamel Abdoun, Yacine Brahimi et Sofiane Feghouli, lesquels avaient joué dans les catégories jeunes de la sélection de France et ne pouvaient jusque-là intégrer l’équipe nationale algérienne pour avoir dépassé l’âge de 21 ans.

En 2011, Mohamed Raouraoua est élu au comité exécutif de la FIFA et devient membre de sa commission des finances. Et de présider, au cours de son mandat au comité exécutif de la haute instance du football mondial, la commission d’organisation de la coupe du monde des clubs de la FIFA (Maroc, 10-20 décembre 2014).

Sous sa houlette, l’équipe nationale de football a adopté un modèle importateur de joueurs d’origine algérienne formés essentiellement en France. Il entendait redynamiser la discipline par le biais de la sélection. Cela a mis fin à l’absence de l’Algérie en coupe du monde depuis près de trois décennies, se qualifiant aux mondiaux de 2010 (Afrique du sud) et de 2014 (Brésil) mais, n’a pas réussi à professionnaliser le championnat algérien de football. Ce projet lancé en 2011, peine toujours à se concrétiser.