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Monographie de la place bancaire algérienne

Dans cette monographie du secteur bancaire algérien à la fin 2024, Rachid Sekak, économiste et ancien cadre dirigeant de banque, dresse les principaux constats et soulève quelques-uns des questionnements découlant des évolutions observées.


Photo DR.

Le total de bilan de la place bancaire algérienne est de 24.342 milliards de DZD à la fin de 2024 en hausse de 4,12 % par rapport à l’année précédente (23.379 milliards).

Les évolutions de cet indicateur au cours des dernières années ont été les suivantes : 23.379 milliards en 2023 (+ 6,24 % par rapport à 2022), 22.004 milliards pour 2022 (hausse de 3,23 %), 19.301 milliards à la fin de 2021 et 15.943 milliards de DZD en 2020. La mobilité des bilans s’est ralentie en 2024 mais a été importante sur les cinq dernières années.

À noter que la hausse du total de bilan de la place a été moins forte que le taux d’inflation mesuré par l’indice officiel de 4,80 % affiché pour 2024.

La progression des bilans a été plus lente pour les banques publiques : + 3,50 % que pour les banques privées : + 8,49 %.

Notre secteur bancaire reste néanmoins de taille relativement modeste à environ 180 milliards de dollars (24.342 milliards de DZD au taux de change observé à fin 2024 de 135,66 DZD/US$).

Par ailleurs, la capitalisation de la place représente un peu moins de 68 % du PIB du pays (évalué à 35.788 milliards de DZD en 2024). Cet indice est supérieur à 120 % chez certains de nos voisins. Il est symptomatique d’une relative faiblesse de l’intermédiation bancaire dans notre pays.

La plus petite banque publique pèse trois fois plus que la plus grande banque privée

Le total de bilan des 7 banques publiques (y inclus la Banque Nationale de l’Habitat) est 21.240 milliards de DZD.

Celui des 13 banques étrangères se situe à 3.102 milliards de DZD.

Les banques publiques représentent donc 87,25 % du total de bilan de la place : une proportion en légère baisse par rapport à celle observée en 2023 qui s’affichait à 88 %.

La plus petite banque publique hors BNH, la BDL, dispose d’un total bilan de 1.835 milliards de dinars, plus de 3 fois supérieur à celui de la plus grande banque privée, Société Générale Algérie, qui laisse apparaître un bilan de seulement 510 milliards de dinars.

En 2024, la part des banques islamiques est en hausse à 2,91 % du total de bilan de la place. Elle était de 2,83 % en 2023, 2,45 % en 2022 et 2,70 % en 2021.

À relever néanmoins sur ce segment un dynamisme plus fort chez Al Salam Bank en matière de taille de bilan (en hausse de 16,66 %) que chez El Baraka (+ 3,18 %). La taille de bilan de Salam Bank est depuis deux années supérieure à celle d’El Baraka et devient ainsi le leader sur ce segment.

Pour mémoire, on observait à la fin de 2023 (les données pour 2024 ne sont pas disponibles) la même domination des banques publiques au niveau de la configuration des réseaux bancaires.

Le réseau national était de 1649 agences : banques publiques : 1249 soit 75 % et banques privées : 400 soit 25 %.

À noter qu’Algérie Poste dispose d’un réseau de 4209 points de vente et sera de ce fait un acteur important et incontournable de toute réforme bancaire et financière.

Les structures dédiées à la finance islamique progressaient en 2023 : 89 agences soit 5,39 % en hausse sensible par rapport au 3,32 % de l’exercice 2022.

L’efficience des fenêtres islamiques et agences dédiées est néanmoins questionnable. Il a été observé qu’elles ne permettent pas pour l’instant le déploiement optimal de la ressource collectée.

Des évolutions contradictoires

Il y cinq points sont à relever :

1-Hausse des dépôts de la clientèle

L’on note une hausse des dépôts de la clientèle de 9,98 % en 2024. C’est une hausse sensiblement supérieure à la hausse observée en 2023 de 4,08 % mais inférieure aux 15,64 % observés en 2022

Cette évolution trouve notamment sa genèse dans la hausse des dépôts chez la BEA de 19,31 % en 2024 (plus 700 milliards). Cette forte volatilité propre à la BEA est fortement liée aux dépôts tirés du secteur des hydrocarbures.

Les dépôts de la clientèle chez les banques publiques s’élèvent à 14.304 milliards (85,33 % des dépôts globaux) et ceux chez les banques privées portent sur 2.458 milliards (14,66 % du global).

Pour les banques publiques, la hausse des dépôts s’affiche à 9,94 %.

La collecte des ressources par les banques privées a été légèrement plus efficiente avec une hausse de 10,22 %.

À noter la structure des dépôts en monnaie locale affichée dans le rapport pour 2023 de la Banque d’Algérie (les données 2024 ne sont pas encore disponibles) :

  • Dépôts à vue : 43,78 %
  • Dépôts à terme : 50,81 %
  • Dépôts liés à des garanties : 5,39 %

Les banques publiques collectaient plutôt des dépôts à terme (53,85 % de leurs dépôts) alors que les banques privées collectaient plutôt des dépôts à vue (59,54 % de leurs dépôts).

La Banque d’Algérie relevait aussi que 40,06 % des ressources provenaient du secteur public et 59,94 % du secteur privé.

Grosso modo, la provenance des dépôts était la suivante : 40 % des dépôts proviennent des ménages, 20 % des entreprises privées et un peu plus de 40 % des entreprises et organismes publics.

Pour mémoire les dépôts auprès d’Algérie Poste portaient sur 1348 milliards de DZD à fin 2023.

À relever l’importance des dépôts devises à la fin de 2023 : 907,10 milliards de DZD soit environ 6,75 milliards de US$ au taux de fin 2023. Ces dépôts étaient néanmoins en baisse sensible par rapport aux données affichées à fin 2022 : 1021,70 milliards de dinars soit 7,44 milliards de US$. Les dépôts devises ont donc diminué d’environ 690 millions de US$. Il serait intéressant de connaître la destination sous-jacente à cette baisse. Les données pour 2024 ne sont pas encore disponibles.

Les dépôts tirés de la finance islamique étaient globalement de 680 milliards de dinars à la fin 2023 soit une hausse de 22,60 % par rapport à 2022, dont environ 540 milliards au niveau des deux banques islamiques de la place soit environ 80 % des dépôts globaux.

En 2024, la hausse des ressources de la clientèle collectées par les deux banques islamiques est de 12,24 % à près de 602 milliards DZD.

2-Progression continue des prêts à la clientèle

L’approche est divergente avec Banque d’Algérie qui traite des crédits à l’économie alors que nous traitons ici des crédits à la clientèle.

On observe que les prêts à la clientèle sont en hausse de 4,39 % (en contexte d’inflation évaluée à 4,80 %) en 2024.

Les banques publiques participent à hauteur de 83,40 % à ces crédits à la clientèle et les banques privées pour 16,60 %.

La hausse des crédits à la clientèle chez les banques publiques a été de 3,49 % avec un dynamisme plus grand de 9,18 % chez les banques privées.

À noter que les encours de crédit à la clientèle de la BEA sont en hausse sensible de 10 % après la baisse de 1 % en 2023 et celle de 8,53 % observée sur l’exercice 2022. La relance semble effective dans cette banque.

On observe par ailleurs des évolutions différenciées entre les banques.

Les prêts de la BNA sont en hausse de 11,68 %. Ceux de la BADR sont stables. La BDL progresse de 8,18 % et la CNEP de 3,42 %. L’activité de crédit est en baisse sensible aux guichets du CPA (- 15,50 %) et de la CNEP (+ 3,42 %).

Après une année 2022 où nous avons pu relever une hausse des dépôts suite à l’amélioration du prix des hydrocarbures ne se traduisant pas par une hausse de l’activité de crédit, nous constatons en 2024 la continuité d’une relative relance de l’activité de crédit après celle observée en 2023.

La Banque d’Algérie dans son rapport pour l’année 2023 note que 58,32 % des crédits sont orientés vers le secteur privé et 41,68 % vers le secteur public.

Les banques publiques financent la quasi-totalité des crédits au secteur public mais aussi les 3/4 des crédits au secteur privé.

Les banques privées sont absentes des crédits au secteur public et contribuent à hauteur de 25 % du montant des crédits au secteur privé.

3-Un financement accru du déficit des finances publiques

La part des titres publics dans les bilans bancaires est de plus en plus importante.

Pour les banques publiques, la dichotomie observée ces dernières années entre la hausse des bilans et la relative stagnation des crédits à la clientèle s’est traduite notamment par une présence plus marquée dans les bilans bancaires d’actifs sur l’administration centrale (obligations, bons du trésor et obligations assimilables).

Ceci découle notamment du déploiement du programme spécial de refinancement qui s’est traduit par un rachat aux banques publiques en 2021 et 2022 par le trésor des crédits dits syndiqués en contrepartie d’obligations à concurrence de 2.599 milliards de DZD (source Banque d’Algérie).

Depuis 2019, la taille des portefeuilles de valeurs d’État détenus par nos banques publiques a progressivement crû et représente à présent une part très significative de leurs bilans.

Au total, les banques de la place détiennent 8.303 milliards de DZD en titres du trésor soit en moyenne 34,10 % du total de leurs bilans. Les banques jouent donc un rôle de plus en plus important dans le financement du déficit des finances publiques : 7.685 milliards sont détenus par les banques publiques et 618 milliards par les banques privées.

Pour rappel le montant des titres du trésor et assimilables détenus par nos banques publiques était de 6788 milliards en 2023 (33,08 % du total bilan), de 5943 milliards de dinars à fin 2022 (30,68 % du total de bilan). Ce montant était de 4799 milliards de dinars à la fin de 2021 (36 milliards de US$) soit 28,63 % des bilans.

Cette exposition aux titres publics n’était que de 1301 milliards de dinars à fin 2020 et ne représentait que 9,49 % des bilans.

Cette évolution, certainement la plus remarquable de notre secteur bancaire sur ces dernières années, est exponentielle.

Les proportions de bons du trésor dans les bilans restent très substantielles à la fin de 2024 et les évolutions sur les dernières années sont les suivantes :

BNA : 3196 milliards de DZD soit 55,03 % après 3002 milliards en 2023 (49,16 % du bilan), 2590,3 milliards et 45,91 % en 2022 et 1924 milliards soit 42,95 % du bilan en 2021. La spirale pour cette banque est impressionnante.

BEA : 1463 milliards (27,54 % du total bilan), 1432 milliards en 2023 soit 31,38 % du bilan, 1215 milliards soit 25,78 % du bilan en 2022 et 1133 milliards et 27,18 % en 2021.

CPA : 830 milliards (25,63 % du bilan), 770,6 milliards en 2023 (23,13 % du bilan), 753,5 milliards et 22,38 % du bilan en 2022, 642,7 milliards et 20,63 % du bilan en 2021.

CNEP : 881,2 milliards (41,80 % du bilan), 829,3 milliards en 2023 (39,22 % du bilan), 750 milliards soit 37,98 % du bilan en 2022 et 558 milliards (31 % du bilan) en 2021.

BDL : 534 milliards (29,09 % du bilan), 413,5 milliards en 2023 (25,79 % du bilan) contre 330 milliards et 21,80 % en 2022 et 254,7 milliards soit 18,90 % du bilan en 2021.

BADR : 486,3 milliards (21,17 % du bilan), 340,3 milliards en 2023 soit 15,90 % du bilan, 304 milliards et 14,10 % du bilan en 2022 et 286 milliards soit 15,48 % du bilan en 2021.

On peut ainsi relever que :

Par ailleurs, on observe une autre évolution très significative sur les 2 dernières années : les banques privées interviennent de plus en plus dans le trading des titres publics. Cette activité représente à présent une source importante de revenus et caractérise une évolution très significative des business models qui sont déployés.

Dans ce cadre, les objectifs des banques étrangères sont multiples : arbitrages, gestion de l’excédent de liquidité ou interventions pour le compte de la clientèle.

Les instruments les plus utilisés : les bons du trésor à 13 et 26 semaines, les bons du trésor à 1, 2, 3 et 5 ans, les obligations assimilables du trésor à 7, 10 et 15 ans (pour lesquelles on va rarement à maturité).

Les banques privées détiennent à la fin de 2024 des portefeuilles de titres publics d’un montant global de 618 milliards de dinars. Ce montant représente une part substantielle de leurs bilans (en moyenne 18,72 %) et génère un PNB qui n’est plus symbolique mais devient très substantiel.

  • Socgen détenait 125 milliards de DZD en titres soit 24,50 % de son bilan
  • Citibank détenait 111,2 milliards soit 62,70 % de son bilan. Ce qui est tout simplement énorme
  • HSBC détenait 48,07 milliards soit 49 % de son total de bilan
  • Natixis disposait d’un portefeuille titres de 87,76 milliards soit 38,34 % de son total bilan
  • BNP Paribas traitait un portefeuille de 51,16 milliards de DZD en titres publics soit 17,15 % de son total bilan
  • AGB 126,19 milliards ou 30,81 % du total bilan
  • Housing Bank 30,46 milliards ou 30,62 % du total bilan
  • Arab Bank 26,89 milliards soit 21,62 % du total de bilan

Seules les deux banques islamiques n’interviennent pas actuellement sur ce segment d’activité pour des raisons de mise en conformité avec la charia. L’avènement attendu des sukuks souverains devrait changer la donne.

4-D’importantes rentes générées par les titres publics

Le produit net bancaire ou chiffre d’affaires des banques de la place a progressé de 17,21 % en 2024 après la hausse de 9,29 % observée en 2023 et les reculs de 4,64 % en 2022 et de 1,84 % en 2021.

La hausse du PNB des banques publiques a été de 19,38 % en 2024 après la hausse de 8,69% de 2023 et la baisse 7,17 % observée en 2022.

La tendance pour les banques privées reste identique : hausse de 11 % en 2024 et de 11,09 % en 2023 et ce après une hausse de 3,90 % au cours de l’exercice 2022.

Grosso modo, le PNB des banques publiques se décompose de la manière suivante : 85 % de marge d’intérêt et 15 % de commissions. La détention d’un portefeuille de titres publics procure une rente importante.

La structure du PNB des banques privées est plus proche d’un 75/25.

Ces proportions sont révélatrices de business models différents et de politiques de tarification différentes. La marge de progression en matière de commissions des banques publiques est importante.

On relève que le PNB de la BEA est de nouveau en forte hausse de 36,02 % après la baisse de 8,06 % en 2023 et celle de 25,96 % en 2022.

La BNA progresse de 17,69 % probablement sous l’effet du rendement du portefeuille de titres publics et du faible coût de refinancement de ce dernier. Même progression de 21,78 % à la CNEP.

La progression de la BDL est impressionnante à 29,16 %. Les hausses observées pour le CPA de 9,96% et la BADR 5,57 % sont plus raisonnables.

5-Une forte rentabilité malgré la hausse du coût du risque

Le coefficient d’exploitation moyen de la place s’affiche à 32,70 % en amélioration sensible par rapport aux 36,53 % de 2023.

Les coefficients d’exploitation restent bas : 30,62 % pour les banques publiques et 39,39 % chez les banques privées. Pour mémoire, le coefficient d’exploitation est le rapport entre les frais généraux et le produit net bancaire (PNB).

Le coût du risque mesuré par les provisions nettes passées par les banques est en très forte hausse de 114% en 2024 à 159 milliards de DZD : 141 milliards pour les banques publiques qui ont fourni un gros effort de provisionnement à hauteur de 27,61 % de leur PNB.

Le niveau des provisions nettes pour les banques a aussi fortement augmenté en passant de 4,80 milliards en 2023 à 17,83 milliards en 2024 soit 11,30 % de leur PNB.

Le coût du risque pour la place était de 74 milliards de DZD de 2023, 73,26 milliards en 2022 et les 99,22 milliards de dinars en 2021.

Pour rappel des niveaux records de 178 milliards en 2020 et 187 milliards de 2019 ont été observés à la suite des nettoyages bilanciels post-issaba.

Le coût du risque s’affiche en hausse à 23,92 % du PNB : 13,90 % du PNB en 2023, 14,22 % du PNB de la place pour l’année 2022, 18 % en 2021 et 32,50 % en 2020.

Le coût du risque reste le souci majeur de notre marché bancaire. Il nous apparaît par ailleurs largement sous-estimé dans certaines banques où la pratique du « reprofilage de complaisance » permet d’éviter artificiellement la classification des créances et donc leurs provisionnements.

À noter qu’à fin 2023, la Banque d’Algérie affichait un taux de provisionnement des créances classées de seulement 48,44 % pour les banques publiques contre 69,26 % pour les banques privées.

Pour mémoire, le taux de créances classées était officiellement de 22,09 % chez les banques publiques et de 8,84 % chez les banques privées.

Il restait donc à la fin de 2023 du chemin à faire pour assainir les portefeuilles : nos estimations portaient sur 900 milliards de DZD chez banques publiques et 40 milliards chez banques privées de provisions supplémentaires à prévoir. Une partie du chemin a été couverte en 2024. Mais le chemin reste long.

Les dispositifs aidés restaient à la fin de 2023 un vrai sujet avec des encours impayés estimés à environ 400 milliards de DZD. Une charge très lourde à venir pour le trésor.

Les profits affichés restent néanmoins élevés à 257,72 milliards en hausse de 2,39 % par rapport à 2023 : 200,51 milliards pour les banques publiques (77,80 %) et 57,21 milliards pour les banques étrangères (22,20 %).

Les ROE d’après notre benchmark restent très appréciables : un ROE de 12,10 % pour les banques publiques et de 13,98 % pour les banques privées. Un ROE moyen pour la place de 13,29 % (Maroc : 8,30 %).

Un reflet de dérèglements structurels de l’économie

Il est difficile de faire une dichotomie entre économie financière et économie réelle. La situation actuelle du système bancaire reflète et accentue les dérèglements structurels de notre économie notamment sa dérive budgétaire.

Nous ne pouvons pas ignorer le contexte macro-économique global pour qualifier notre secteur bancaire.

La situation de notre secteur bancaire est symptomatique d’une économie qui a souvent bénéficié d’une embellie financière externe… mais qui rencontre de gros soucis de relance de l’investissement productif… absolument nécessaire pour assurer une relance de la croissance pérenne.

Notre secteur bancaire reste fragile et son intermédiation largement inefficace.

De plus, nos banques publiques sont de facto devenues des banquiers importants du trésor et seront donc de plus en plus sensibles à l’évolution de nos finances publiques et donc indirectement à l’évolution du cours des hydrocarbures. Le financement du déficit prévu par le projet de loi de finances pour 2025 risque de renforcer ce lien « incestueux ».

Que se passera-t-il en cas de nouveau retournement abrupt du marché des hydrocarbures qui pourrait à la fois réduire la liquidité du marché et la capacité du trésor à faire face à sa dette ?

Une nouvelle et profonde crise de liquidité n’est pas une hypothèse à ignorer.

Plusieurs questions de fond restent posées :

  • Les suites à donner au financement sans fin des déficits des entreprises publiques ?
  • Le nécessaire traitement de nos finances publiques notamment la diversification des sources de financement du budget et la rationalisation des dépenses ?

La réforme du secteur bancaire est une nécessité incontournable.

Mais elle ne sera pas suffisante pour relancer une croissance pérenne et diversifier notre économie si elle n’est pas accompagnée d’un programme cohérent de réformes structurelles dont elle est seulement une partie.

Inclusion vs désinclusion financière

Doit-on parler d’amélioration de l’inclusion financière ou de réduction de la désinclusion financière ? La différence conceptuelle est de taille.

La circulation fiduciaire hors banques évaluée en 2023 à 8031 milliards de dinars reste élevée à 33 % de la masse monétaire mesurée par M2 et 24,6 % du PIB.

On observe un phénomène bien connu : salaire viré sur un compte bancaire ou auprès d’Algérie Poste le 24 du mois au matin et retrait de la totalité de la somme le 24 l’après-midi ou le 25.

Nous sommes largement en face d’un souci de fuite vers le cash.

Deux axes d’effort m’apparaissent importants :

  • Le développement des paiements électroniques
  • Les produits d’incitation à l’épargne

Les cartes de paiement sous-utilisées

Près de 16.509.507 de cartes bancaires sont en circulation : 4.022.203 cartes bancaires CIB et 12.487.304 cartes Edahabia d’Algérie Poste.

53.191 TPE et 3847 DAB/GAB ont déjà été déployés.

Les cartes sont largement sous et mal utilisées : 75 % des cartes sont activées et en gros 85 % des transactions portent sur des retraits de cash sur les DAB/GAB.

La matière et les infrastructures sont bien là : alors comment inciter à une meilleure utilisation de ces dernières ?

Le souci fiscal et la transparence sont probablement des freins. La solution passe sans aucun doute par des incitations fiscales pour les petits commerces de proximité comme l’exonération fiscale totale du chiffre d’affaires réalisé au travers de paiements électroniques.

Les stations Naftal combinées aux 7 millions de véhicules en circulation représentent aussi un vecteur important de progression largement sous-utilisé.

Rendre obligatoire les paiements par internet pour Sonelgaz, SEAL et les impôts est indispensable.

Le financement de l’habitat

L’intervention annuelle de l’État sur concours budgétaires dans le financement du logement a été de 600 à 650 milliards de dinars au cours des 10 dernières années… cela apparaît clairement comme insoutenable dans la durée.

La réduction de cette dépendance budgétaire passe par le rétablissement d’un lien entre effort préalable d’épargne et l’accès au logement grâce au développement de produits de collecte attractifs, équitables et crédibles.

Une telle démarche présenterait un double avantage :

  • Un effet positif sur les finances publiques en réduisant le financement par le trésor
  • Un ralentissement du phénomène de désinclusion financière par une incitation à l’épargne

La création de la BNH n’a pas, à ce jour, réduit cette dépendance ni changé la donne d’ailleurs.