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Sous les drones et la propagande israélienne, la flottille Global Sumud résiste

Sous les frappes de drones et la machine de propagande israélienne, la flottille poursuit sa route vers Gaza. Ciblée en mer comme dans les médias, elle met en évidence le rôle à la fois décisif et vulnérable de sa composante maghrébine et sud-globale, tout en réaffirmant son caractère pacifique face aux tentatives de délégitimation.


Dans la nuit du 23 septembre, la flottille Global Sumud a été attaquée par des drones israéliens au sud-ouest de l’île de Crète. Au moins dix navires, dont le Maria Cristina, le Selvaggia, le Morgana et le Zefiro, ont été pris pour cible par des drones qui ont largué des bombes sonores et des dispositifs chimiques non identifiés. Aucun mort ni blessé n’est à déplorer, mais plusieurs bateaux ont subi des dégâts, notamment au niveau des voiles, selon les premières évaluations techniques.

Une vidéo diffusée par l’un des navires montre clairement la scène du bombardement, confirmant que l’attaque visait à intimider et à mettre en danger les participants. Pour Thiago Silva, membre du comité de pilotage et porte-parole de l’initiative, il s’agit d’« une agression délibérée contre une mission pacifique et humanitaire, en conformité avec le droit international ». Sa collègue Yasmin Acar a dénoncé « l’usage d’armes expérimentales contre des civils désarmés et pacifiques », une stratégie de terreur qui, selon elle, ne fera que renforcer la détermination des participants à atteindre Gaza.

Cet épisode illustre une nouvelle escalade dans la brutalité israélienne. Ces attaques violent de manière flagrante le droit international et visent une mission humanitaire dont l’objectif unique est clair : briser le blocus imposé à Gaza et acheminer une aide alimentaire à une population assiégée.

Les 9 et 10 septembre déjà, deux attaques de drones avaient ciblé des bateaux de la flottille alors qu’ils mouillaient près des plages de Sidi Bou Saïd, en partance de Barcelone. Une première démonstration d’intimidation, survenue à moins d’un kilomètre du palais présidentiel de Carthage.

Des drones aux écrans : double offensive contre la flottille

La guerre contre la flottille ne se joue pas seulement en mer : elle se poursuit aussi sur le terrain médiatique. Le 22 septembre, le ministère israélien des Affaires étrangères a diffusé un message visant deux porte-parole maghrébins, l’Algérien Marouan Ben Guettaïa et le Tunisien Wael Nawar, présentés comme liés au Hamas. Des photographies les montrant aux côtés d’un responsable présenté comme cadre du mouvement de résistance, accompagnées du tag « Exposed » (exposé), ont servi à étayer cette accusation. Objectif : délégitimer l’action en l’assimilant à une menace sécuritaire.

Le lendemain, une nouvelle affiche ciblait Saif Abu Keshek, Palestinien et autre porte-parole de la flottille, également présenté comme cadre du Hamas. Un pas supplémentaire dans la stratégie de stigmatisation des figures visibles de la mission.

Ces accusations ont suscité de vives réactions. L’ancien chef du MSP, Abderazak Makri, présent à bord du navire Amsterdam (Sultana), a pris la défense de Ben Guettaïa dans une publication : « Tout le monde sait que les allégations formulées contre lui n’ont aucun fondement : il n’est rien d’autre qu’un militant pacifique engagé dans une action pour briser le blocus ». Une voix venue de l’intérieur de la flottille qui contredit frontalement la narration israélienne.

Quelques jours plus tôt, l’ancien ministre grec Yanis Varoufakis, chef du parti MERA25 et figure de soutien à la Palestine, dénonçait déjà ce tournant propagandiste. Selon lui, la flottille n’était plus qualifiée de « selfie boats » par les autorités israéliennes, mais désormais de « Hamas boats » : une mutation lexicale préparant le terrain à une agression militaire brutale.

Cette stratégie n’est pas nouvelle : depuis 2008 et les premières missions de la Freedom Flotilla Coalition, Israël s’efforce de discréditer ces expéditions maritimes en les associant à des menaces terroristes.

La composante maghrébine au cœur du ciblage israélien

Face à ces accusations, la Coordination de l’action conjointe pour la Palestine a rappelé la gravité des menaces qui relèvent d’une logique de terreur : « Ces menaces font des militants arabes des “cibles terroristes légitimes” pour la machine de mort israélienne ». Autrement dit, Israël cherche à transformer des civils engagés dans une mission humanitaire en objectifs militaires, en brouillant délibérément la frontière entre solidarité internationale et action armée.

Sur le terrain, les bateaux maghrébins, dont le navire algérien Deir Yassin (Mali), ont assumé les premières lignes de la traversée, sous surveillance quasi permanente de drones. Le ciblage de deux Maghrébins et d’un Palestinien illustre à quel point la composante arabe et sud-globale inquiète Israël et reste vulnérable sur les plans médiatique et politique, facilitant sa stigmatisation par rapport aux militants occidentaux.

La bateau algérien Deir Yassin vers les eaux territoriales grecques

Ces menaces ont ouvert un débat interne : faut-il maintenir en première ligne les figures les plus exposées, ou les mettre en retrait afin de priver Israël de prétextes ? Certains plaident pour davantage de prudence, d’autres redoutent qu’un tel recul ne réduise la portée politique de l’action.

Pour l’heure, un compromis a été trouvé : réduire la visibilité individuelle des personnes ciblées, sans amoindrir la place de la composante maghrébine dans la mission. Comme le rappelle la Coordination : « L’intimidation ne dépouillera pas nos militants de leur conscience ; elle l’éveille et l’enracine ».

Contre-narration et mobilisation

La Global Sumud Flotilla a renforcé sa communication sur le caractère pacifique et humanitaire de l’initiative. Vidéos, témoignages et images des navires chargés d’aide alimentaire deviennent autant d’outils de contre-narration face à la propagande israélienne. La flottille insiste sur la responsabilité des gouvernements dans la protection de leurs citoyens et appelle les populations à rester mobilisées.

À Tunis, un rassemblement de soutien est prévu aujourd’hui à 19h30 devant le Théâtre municipal, signe que l’action maritime résonne bien au-delà des eaux méditerranéennes. En Italie, ce lundi 24 septembre, une grève générale exigeant la fin de l’occupation et du génocide en Palestine a paralysé le pays. L’enjeu n’est pas seulement d’atteindre Gaza, mais aussi de fissurer le mur de l’indifférence et de la complicité des États.

Dans ce contexte brouillé, la reconnaissance récente de la Palestine par onze pays européens, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, illustre les contradictions d’une diplomatie occidentale qui, sans sanctions concrètes, apparaît comme une opération de blanchiment politique. Faute de mesures effectives contre Israël, cette reconnaissance risque de masquer plutôt que de combattre le génocide en cours.